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je lui avais avoué mon amour en vers, et elle ne l’avait pas repoussé !

— Est-ce que vos vers lui déclaraient réellement et clairement votre amour, et en votre propre nom ?

— Mais… le sentiment était voilé peut-être ; je l’avais mis dans la bouche d’un personnage fictif, ou traduit par une allégorie.

— Oh ! fit Ferrers, pensant à part lui qu’il était très-probable que la brillante Florence, chantée par un millier de bardes, n’avait fait que jeter un rapide coup d’œil sur les vers qui avaient coûté au pauvre Cesarini tant de travail, et lui avaient inspiré une espérance si audacieuse. Oh ! et ce soir elle a été plus sévère ! Elle est terriblement coquette la belle Florence ! Mais vous avez peut-être un rival.

— Je le sens !… je l’ai vu ! je le sais.

— Qui soupçonnez-vous ?

— Ce maudit Maltravers ! C’est un obstacle que je retrouve toujours sur mon chemin ; mon esprit étonné pâlit devant le sien, toutes les fois que nous nous rencontrons. Je lis mon arrêt dans ses traits.

— Si c’est Maltravers, dit Ferrers avec gravité, le danger ne peut être grand. Florence ne l’a vu que fort peu, et il ne l’admire pas beaucoup ; mais c’est un fort beau parti que ma cousine, et Maltravers est ambitieux. Il faut nous mettre en garde sans perdre de temps, Cesarini ; car, sachez que je déteste Maltravers autant que vous le haïssez vous-même, et je vous aiderai volontiers dans tous les desseins que vous pourrez former pour renverser ses espérances de ce côté-là.

— Noble et généreux ami ! Et cependant il a plus de fortune et plus de naissance que moi.

— C’est possible ; mais dans une position comme celle de lady Florence, toutes les petites démarcations de rang entre ses soupirants sont à peu près au même niveau. Je ne vous dis pas qu’il ne me serait pas plus agréable de lui voir épouser un compatriote et un homme de son rang ; mais je vous ai pris en amitié, et je déteste Maltravers ; elle est très-romanesque ; elle aime passionnément la poésie ; elle écrit des vers elle-même, j’imagine. Oh ! vous lui convenez à merveille ; mais hélas ! comment la reverrez-vous ?

— La revoir ! que voulez-vous dire ?

— Mais ne lui avez-vous pas déclaré votre flamme ce soir ? j’ai cru vous avoir entendu. Pouvez-vous vous imaginer un