Page:Bulwer-Lytton - Ernest Maltravers.pdf/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moins) pour se rencontrer ; et à sa grande joie, Maltravers se retira peu de temps après.

Ferrers, avec cette heureuse facilité qui appartenait à son caractère souple et intrigant, mit bientôt Cesarini tout à fait à son aise avec lui ; et quelques expressions dédaigneuses dont se servit Ferrers en parlant de Maltravers, unies à quelques compliments exagérés adressés à l’Italien, lui gagnèrent complétement le cœur du poëte. La brillante Florence fut plus silencieuse, plus calme que de coutume ; et sa voix était plus douce, quoique plus grave, lorsqu’elle répondait aux éloquents appels de Castruccio. Ce dernier était un de ces hommes auxquels on donne le nom de beaux parleurs. Par degré, Lumley retomba dans le silence, et prêta l’oreille à ce qui se passait entre lady Florence et l’Italien, bien qu’il parût plongé dans la contemplation d’une série de « Vues du Rhin » étalées sur la table.

« Ah ! dit Cesarini dans sa douce langue maternelle ; si vous saviez avec quelle sollicitude j’épie toutes les nuances de cette physionomie qui est pour moi le ciel ! Est-elle voilée de nuages ? La nuit m’environne de toutes parts ! Est-elle radieuse ? Je suis comme le Persan qui contemple le soleil !

— Pourquoi me parlez-vous ainsi ? Savez-vous que si vous n’étiez pas poëte, je me fâcherais.

— Vous ne vous êtes point fâchée quand le poëte anglais, ce froid Maltravers, vous a parlé avec autant d’audace. »

Lady Florence redressa sa tête hautaine.

« Signor, dit-elle, en réprimant son premier mouvement, pour lui parler avec douceur : signor, de la part de M. Maltravers, il n’y a ni flatterie, ni…

— Présomption, vous alliez dire, fit Cesarini, en grinçant des dents. Mais, avec tout cela, il fut un temps où vous prêtiez une oreille moins glacée à l’expression de mon profond dévouement.

— Jamais, signor Cesarini, jamais ; je n’y ai toujours voulu voir que la banale galanterie de votre pays ; permettez que je continue à n’y rien voir de plus.

— Non, femme orgueilleuse, dit Cesarini avec violence, non ; écoutez la vérité ! »

Lady Florence se leva indignée.

« Écoutez-moi, continua-t-il, Moi !… moi, le pauvre étranger, le ménestrel méprisé, j’ose lever les yeux jusqu’à vous, je vous aime ! »