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lady Florence, qui aurait éveillé chez un habile médecin un regret prophétique. Et lorsque, de temps en temps une indisposition passagère faisait pâlir les roses de ses joues, et attristait le sourire de ses lèvres, un observateur superficiel même aurait songé à ce vieux proverbe bien connu : « beauté brillante, vie éphémère. » Ce fut peut-être quelque sentiment de ce genre qui éveilla en ce moment la sympathie de Maltravers. Il lui adressa la parole avec une courtoisie plus marquée que de coutume, et s’assit à côté d’elle.

« Vous avez été sans doute à la séance, monsieur Maltravers ? dit lady Florence.

— Oui, j’y suis allé un moment ; ce n’est pas une de nos soirées de bataille, on ne s’attendait pas à des débats sérieux ; et à l’heure qu’il est, je pense bien que la séance est levée.

— Aimez-vous cette carrière ?

— Elle a de l’entraînement, dit Maltravers d’une manière évasive.

— Et c’est un noble entraînement ?

— Pas trop, je le crains ; il se compose de tant de motifs bas et malveillants, de tant de jalousie entre amis, de tant d’injustice entre ennemis, de tant de précipitation à attribuer aux autres les plus lâches intentions, et à profiter soi-même des plus vils stratagèmes ! Le but peut être grand, mais les moyens sont fort équivoques.

— Je savais bien que vous penseriez ainsi, s’écria lady Florence, dont les joues se colorèrent.

— Vraiment ? dit Maltravers, avec un peu d’étonnement et d’intérêt naissant. Je ne me serais guère imaginé que vous daigneriez deviner des secrets aussi insignifiants.

— Je serais donc la seule à qui vous ne rendriez pas justice, répondit lady Florence ; et elle accompagna ses paroles d’un sourire fin, mais presque triste ; car…, mais j’allais dire une impertinence.

— Non, dites toujours.

— C’est que je ne vous crois pas sujet à ne pas vous rendre justice à vous-même.

— Oh ! vous me croyez présomptueux et arrogant ; mais c’est là l’opinion générale, et vous avez peut-être raison d’y croire.

— Ne sait-on pas toujours ce que l’on vaut ? demanda lady Florence, avec fierté. Ceux qui se défient d’eux-mêmes ont de bonnes raisons pour cela.