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des intentions ; ceci peut les concilier tous. Rien ne saurait être plus avantageux. Après moi vous deviendrez lord… Mais, à propos, quel titre prendrons-nous ?

— Oh ! prenez un titre bien ronflant ; vous avez fort peu de propriétés territoriales, je crois, n’est-ce pas ?

— J’ai deux mille livres sterling de revenu, dans le comté de ***. J’ai acheté cela très-bon marché.

— Comment s’appelle cette terre ?

— Grubley.

— Lord Grubley ! baron Grubley, de Grubley, oh ! c’est atroce ! À qui appartenait cette terre, avant vous ?

— Je l’ai achetée à M. Sheepshanks ; une très-ancienne famille.

— Mais assurément, ce domaine a dû appartenir à quelque vieille famille normande, dans les temps reculés ?

— Normande ! mais oui ! Henri II la donna à son barbier, Bertram Courval.

— C’est cela ! c’est cela même ! Lord de Courval !… Singulière coïncidence !… un rejeton de la vieille souche ! Le collége héraldique aura bientôt fait d’arranger tout cela. Lord de Courval ! Rien ne saurait être plus ronflant ! Il doit y avoir, dans ce domaine, un village, ou un hameau qui porte encore le nom de Courval.

— Je crains bien que non. Il y a Coddle End !

— Coddle End ! Coddle End ! Voilà notre affaire, monsieur, voilà notre affaire ; c’est évidemment une corruption de Courval ! Lord Courval de Courval ! Superbe ! ah ! ah !

— Ah ! ah ! » Et Templeton rit comme il n’avait jamais ri de puis l’âge de trente ans.

Les deux parents restèrent longtemps ensemble, à causer familièrement. Ferrers passa la nuit chez son oncle, et dormit profondément ; car il se préoccupait peu de ses desseins une fois qu’ils étaient formés, et à demi exécutés. C’était la chasse qui le tenait en éveil, et, une fois le gibier abattu, il dormait comme un limier satisfait. Il n’en fut pas de même de Templeton qui ne ferma pas l’œil de la nuit.

« Oui, oui, pensait-il, il faut qu’en manœuvrant avec prudence je fasse passer la fortune et le titre dans la même main. Ferrers mérite bien ce que j’ai l’intention de faire pour lui. Il est franc, rangé, bon enfant, et il fera son chemin ; oui, oui, c’est bien cela. En attendant j’ai bien fait de l’empêcher de se faire porter candidat à la ville de C*** ; il aurait pu ramasser