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suffisait aux fantaisies d’un jeune homme élevé en Allemagne, et qui n’y avait pris aucune des habitudes dépensières communes à tous les jeunes Anglais de son rang et de sa fortune. C’était un enfant gâté, qui ne connaissait d’autre loi que son caprice. Son retour dans sa famille n’était pas attendu ; il n’y avait rien qui pût l’empêcher de satisfaire sa nouvelle fantaisie. Le jour suivant, il loua un cottage dans le voisinage. C’était un de ces jolis petits édifices au toit de chaume, entourés de vérandahs, couverts de roses grimpantes, avec une serre et une pelouse qui justifient le proverbe anglais : « Une chaumière et un cœur. » Certain commerçant célibataire avait fait construire, pour quelque belle Rosemonde, cette habitation qui faisait honneur à son bon goût. Une vieille femme, qui louait ses services avec la maison, devait faire la cuisine et le reste. Alice n’était servante que de nom. Ni la vieille femme, ni le propriétaire ne savaient les intentions platoniques du jeune étranger. Mais comme il avait payé son terme d’avance, ils ne furent pas par trop scrupuleux. Néanmoins Maltravers jugea prudent de taire son nom. Il devait être connu, dans une ville qui n’était pas très-éloignée des terres de son père, gentilhomme campagnard de riche et ancienne famille. Il adopta donc un nom plus vulgaire, celui de Butler, qui appartenait du reste à une partie de la famille de sa mère, et il ne fut connu du voisinage et d’Alice que sous ce nom. Il ne songeait pas à cacher la vérité à Alice ; mais, d’une façon ou d’une autre, l’occasion de lui parler de sa famille ou de sa naissance ne se présenta jamais.


CHAPITRE V.

La réflexion ferait évanouir leur paradis.
(Gray.)

Maltravers trouva dans Alice l’élève la plus docile que pût souhaiter un précepteur raisonnable. Mais la lecture et l’écriture !… ce sont des éléments bien peu intéressants ! Si la base de l’édifice eût existé déjà, il eut été charmant d’y élever le palais enchanté du savoir ; tandis que c’est un rude labeur que