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de sa personne et les grâces séduisantes de ses manières caressantes et enfantines. Son caractère était si doux et si docile que l’indulgence et les caresses, avec quelque absence de discernement qu’on les lui prodiguât, ne servaient qu’à développer l’excellence de son naturel tendre et reconnaissant. Peut-être une tendresse calculée et moins expansive eût-elle gâté davantage une enfant dont tous les instincts sollicitaient l’affection et la rendaient avec usure. C’était un cœur qui se serait refroidi et étiolé dans une atmosphère moins chaude. Mais exposée à un ciel sans nuages et aux doux rayons d’un soleil perpétuel, toute la riche végétation de son cœur, toute la suave douceur de son caractère se développaient à leur aise.

Tout le monde (même les gens qui généralement n’aimaient pas les enfants) raffolait de cette charmante petite créature, excepté pourtant M. Lumley Ferrers. Ce dernier, moins tendre que la Narcisse de Pope : « aurait volontiers fait bouillir l’enfant pour en faire un cosmétique. »

Il savait qu’il arrive souvent qu’un homme, marié dans un âge avancé, laisse tous ses biens à sa jeune veuve, et aux enfants de celle-ci par un premier mariage, lorsqu’il s’est une fois attaché à ces derniers. Il sentait aussi, fort judicieusement, qu’il n’avait pas beaucoup de prise sur Templeton par les affections. Il résolut donc de refroidir, autant que possible, son oncle à l’égard de sa jeune femme, espérant que, si l’influence de la femme s’affaiblissait, celle de l’enfant diminuerait dans la même proportion. Il chercha aussi, dans la vanité et l’ambition de Templeton, des alliés qui pussent suppléer en sa faveur à l’absence d’affection de son oncle pour lui. Il poursuivit cette double manœuvre avec une habileté consommée. Il chercha d’abord à gagner la confiance et l’amitié de la jeune mère, si triste et si douce ; comme elle était singulièrement confiante et inexpérimentée, il y réussit complétement. Grâce à la franchise de ses manières, à ses attentions respectueuses, à l’adresse avec laquelle il savait détourner loin d’elle la mauvaise humeur de M. Templeton, la pauvre dame se réjouissait de ses visites, et se fiait à son amitié. Peut-être était-elle contente de voir rompre son perpétuel tête-à-tête avec un mari sévère et peu sympathique, qui n’avait nulle compassion pour les chagrins, quels qu’ils fussent, qui accablaient sa femme, et qui considérait comme un devoir de moralité de trouver à redire toutes les fois que l’occasion s’en présentait.