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parmi une multitude de candidats, principalement parce qu’il avait l’air bien nourri.

Quand il se fut convenablement établi et qu’il eut dit à tout le monde qu’il avait un bail de soixante-trois ans, Lumley fit un petit calcul de ses dépenses probables, et il trouva qu’avec de l’économie, elles dépasseraient son revenu d’un quart environ.

« Je prendrai le surplus sur mon capital, dit-il, et je tenterai cette expérience pendant cinq années ; si elle ne me réussit pas et ne me rapporte pas de gros bénéfices, alors c’est qu’il n’y a plus de gens aux dépens desquels on puisse vivre, ou il faudra donc que Lumley Ferrers soit un bien plus grand maladroit qu’il ne le pense ! »

M. Ferrers avait étudié à fond le caractère de son oncle comme un spéculateur étudie les qualités d’une mine quand il veut y placer ses capitaux ; et, dans tout ce qu’il venait de faire, il avait en vue cet oncle aussi bien que le monde. Il vit que si, au lieu de se faire une réputation brillante, mondaine, élégante, il s’attirait une bonne renommée, solide, substantielle, M. Templeton ne l’en jugerait qu’avec plus de faveur et n’en serait que plus disposé à le faire son héritier, pourvu que mistress Templeton ne substituât pas au parasite collatéral des rejetons indigènes. Cette dernière appréhension s’évanouit à mesure que le temps s’écoulait et que nul indice de fécondité ne se révélait. Par conséquent Ferrers crut qu’il pouvait, en toute prudence, risquer quelque chose de plus à un jeu dont les chances commençaient à lui inspirer quelque confiance. Il y avait cependant une circonstance qui le troublait beaucoup : M. Templeton, quoique dur et austère dans ses manières vis-à-vis de sa femme, lui était évidemment fort attaché ; et, par-dessus tout, il nourrissait la plus tendre affection pour sa belle-fille. Il s’inquiétait de sa santé, de son éducation, de ses petits plaisirs enfantins, avec autant de sollicitude que s’il eût été non-seulement son père, mais le père le plus tendre. Il ne pouvait souffrir qu’on la contrariât, ou qu’on lui refusât la moindre chose. M. Templeton qui n’avait, de sa vie, gâté quoi que ce fût, pas même une vieille plume (tant il était soigneux, prévoyant et systématique), faisait tous ses efforts pour gâter cette charmante enfant, sans avoir même la vaine satisfaction de penser que c’était lui qui avait donné au monde ce bel objet d’admiration. Cette petite fille était d’une exquise et suave beauté ; et chaque jour voyait s’accroître les charmes