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mes parents intéressés et égoïstes comme ils sont ; que le diable les emporte ! Vous avez épousé une dame sans famille ; que pouviez-vous faire de plus pour elle ?

— Bah ! bah ! vous ne savez pas tout. »

Ici Templeton s’arrêta court, comme s’il craignait d’en dire trop, et son front se contracta ; puis, après un moment de silence, il reprit :

« Lumley, je me suis marié, c’est vrai. Vous ne serez peut-être pas mon héritier, mais je vous le revaudrai bien ; c’est-à-dire si vous vous rendez digne de mon affection.

— Mon cher onc…

— Ne m’interrompez pas, j’ai des projets pour vous. Que nos intérêts soient identiques. Le titre peut encore vous revenir. Il se peut que je n’aie point d’héritiers mâles. En attendant, tirez sur moi pour toute somme d’argent raisonnable dont vous pourrez avoir besoin ; les jeunes gens ont des dépenses à faire ! Mais soyez prudent, et si vous voulez faire votre chemin dans le monde, que le monde ne vous surprenne jamais en défaut. Voilà ; maintenant laissez-moi.

— Je vous remercie mille fois et du fond du cœur !

— Chut ! Voyez lord Saxingham et sondez encore le terrain ; il faut que je me passe cette fantaisie, je le veux. C’est ma marotte. »

En même temps Templeton fit de la main un salut d’adieu à son neveu, et, l’air tout préoccupé, continua sa route jusqu’à Hyde-Park-Corner, où sa voiture l’attendait. Au moment où il entrait dans ses domaines, il vit la fille de sa femme qui traversait en courant la pelouse pour venir à sa rencontre. Son cœur se ramollit ; il fit arrêter sa voiture et en descendit ; il se mit à la combler de caresses, jouant avec elle, riant comme elle. Un père n’eût pas été plus tendre.

« Lumley a des moyens qui me feraient honneur, se dit-il, mais j’ai peur que ses principes ne manquent de solidité. Néanmoins, des manières aussi franches sont à coup sûr les indices d’un bon cœur. »

Cependant Ferrers, à la joie de son cœur, s’achemina vers la maison d’Ernest. Son ami n’était pas chez lui, mais Ferrers n’avait jamais besoin de la présence d’un hôte pour se mettre tout à fait à son aise. Les livres abondaient autour de lui, mais Ferrers n’était pas homme à lire pour s’amuser. Il se jeta dans un fauteuil, et commença à ourdir de nouvelles trames d’ambition et d’intrigue. À la fin la porte s’ouvrit et Maltravers entra.