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les excentricités, depuis un magot en porcelaine de Chine jusqu’à un poëte timbré. Mais je m’imagine, d’après un coup d’œil inquiet qu’elle jette de temps à autre tout autour de la chambre, que ma belle cousine est tant soit peu coquette.

— Et vous ne vous trompez pas, Lumley, répondit lord Saxingham en riant, mais je ne lui chercherai pas querelle de ce qu’elle déchire le cœur et refuse la main de tout le monde, si elle veut seulement finir par se fixer à devenir la duchesse de***.

— Duchesse de*** répéta Lumley d’un ton distrait ; allons, je vais aller me présenter ; je vois qu’elle commence à se fatiguer du signor. Je sonderai le terrain quant à ses impressions ducales, mon cher lord.

— C’est cela ; moi, je n’ose pas, répondit le père. C’est une excellente fille, mais les héritières sont toujours contrariantes. C’est une grande sottise de m’avoir interdit toute autorité sur sa fortune. Revenez me voir bientôt, Lumley. Je présume que vous retournez à l’étranger ?

— Non, je vais me fixer en Angleterre ; mais nous reparlerons plus tard de mon avenir et de mes projets. »

En disant ces mots, Lumley se glissa tout doucement auprès de lady Florence. Il y avait en Ferrers quelque chose de remarquable par sa simplicité même. Ses traits nets et accentués, ses cheveux courts, son front élevé, la simplicité rigoureuse de son costume, la tranquillité, l’aisance de ses mouvements calmes et contenus, le faisaient contraster singulièrement avec le brillant Italien, à côté duquel il se tenait en ce moment. Florence leva les yeux vers lui, un peu étonnée de cette présentation indiscrète.

« Ah ! vous ne me reconnaissez pas ! dit Lumley, en riant de son rire le plus agréable. Inconstante Imogène, après tous vos serments de fidélité ! Vous voyez devant vous votre Alonzo !

Les vers y entraient, et les vers en sortaient !

« Ne vous souvenez-vous pas combien vous trembliez, quand je vous racontais cette véridique histoire, lorsque

Nous causions assis sur la verte pelouse ?

— Ah ! s’écria Florence, est-ce bien vous, mon cher cousin ? mon cher Lumley ! Il y a un siècle que nous ne nous sommes vus !

— Ne parlez pas de siècles ; ce mot-là résonne mal aux oreilles d’un homme de mon âge. Pardon, signor, si je vous dérange. »