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— Votre portrait à l’exposition ne vous rend pas justice, lady Florence ; pourtant Laurence réussit généralement ses portraits.

— Vous êtes trop flatteur, » répondit lady Florence d’un ton de vive et visible impatience.

La jeune beauté était tout à fait gâtée par le monde ; et en ce moment tout le dédain de sa dédaigneuse nature s’était réveillé, en observant les regards curieux de la foule fixés sur la personne avec laquelle le duc de*** daignait causer. Si brillantes que fussent les ressources de sa conversation, elle ne voulut pas condescendre à les déployer. Elle était aristocrate de l’intelligence bien plus que de la naissance, et elle se mit en tête que le duc était un sot. Elle se trompait ; si seulement elle avait rompu la glace, elle aurait découvert que l’eau qui était dessous n’était pas sans profondeur. Le fait est que le duc, comme beaucoup d’autres Anglais, quoiqu’il ne voulût pas se donner la peine de se faire valoir, et quoiqu’il eût des dehors peu séduisants, était un homme instruit, qui avait beaucoup lu, et qui possédait un jugement sain, et un esprit droit ; cependant, il ne savait pas ce que c’était que d’avoir de l’affection pour qui que ce fût, ou de se soucier de quoi que ce fût, et il était à la fois complétement blasé et parfaitement content ; car l’apathie vient de la satiété et du contentement combinés.

Néanmoins Florence le jugeait comme toutes les personnes vives sont disposées à juger les personnes calmes ; d’ailleurs elle désirait proclamer devant lui et devant tout le monde combien peu elle se souciait des ducs ou des beaux partis. Elle le quitta donc, en lui faisant une légère inclination de la tête, et tendit la main à un jeune homme brun, qui la contemplait avec cette admiration respectueuse et évidente, que les femmes les plus fières ne sont jamais assez fières pour dédaigner.

« Ah ! signor, dit-elle en italien, je suis bien enchantée de vous voir ; c’est un véritable soulagement que de rencontrer le génie au milieu d’une foule de choses insignifiantes. »

Ce disant l’héritière s’assit sur l’un de ces canapés commodes qui ne tiennent que deux personnes, et fit signe à l’Italien de venir prendre place à ses côtés. Oh ! comme le cœur orgueilleux de Castruccio Cesarini se mit à battre ! Quelles visions d’amour, de rang, d’opulence voltigeaient déjà devant ses yeux éblouis !

« Il me semble presque, dit Castruccio, que je vois refleurir