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livre de prières. Il faudra faire rembourrer le coussin de mon prie-Dieu : il est si dur que j’en ai mal aux genoux. Lumley, voulez-vous sonner, s’il vous plaît ? Votre tante est très-mélancolique. La véritable piété n’est pourtant jamais triste ; nous lirons un sermon sur le contentement.

— Bon, bon ! se dit M. Ferrers en se déshabillant le soir, je vois que mon oncle est assez mécontent de la figure pensive de ma tante ;… sans doute un peu de jalousie de la voir songer à autre chose que lui ; tant mieux ! Il faut que j’exploite cette découverte ; cela ne ferait pas mon affaire, s’ils étaient trop heureux ensemble. Et grâce à ce levier d’une part, et aux projets ambitieux de l’autre, je crois entrevoir le moyen de mettre les bonnes choses de ce monde un peu plus à la portée de Lumley Ferrers. »


CHAPITRE III.

À la fierté de sa démarche, lorsque légère elle courait sur la terre insensible, on eût dit qu’elle était née pour fouler un élément plus céleste.
(Moore. Les amours des Anges.)
Est-il possible que ces nobles instincts, que ces pensées élevées, qui resplendissent de leur beauté propre, ne m’aient été donnés que pour faire de moi la vile esclave de la vanité ?

. . . . . . . . . . . . . . .

N’est-elle pas trop belle même pour s’occuper du doux soin d’une jeune fille ? Entre sa bouche gracieuse et son front affligé quel contraste ?

(Erinna.)

Deux ou trois jours après les événements que nous venons de raconter au chapitre précédent, il y avait, dans une des plus grandes maisons de Londres, ce que les journaux nomment « une soirée d’élite ». Une jeune lady qui attirait tous les regards, et dont la beauté aurait pu servir de modèle à un peintre pour une Sémiramis ou une Zénobie (beauté plus majestueuse qu’il ne convenait à son âge, et d’une régularité tellement classique, tellement irréprochable qu’elle avait quelque chose de la froideur d’une statue), fendait la foule qui faisait entendre autour d’elle un murmure d’admiration. Cette jeune