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venait de s’arrêter à cette résolution, mistress Templeton se leva, et, avec un gracieux salut et un sourire doux quoique languissant, elle quitta la chambre. Les deux messieurs se rassirent, et Templeton passa la bouteille à Ferrers.

« Servez-vous, Lumley. Vos voyages semblent vous avoir enlevé votre gaieté ! vous êtes devenu pensif.

— Monsieur, dit soudainement Ferrers, je voudrais vous consulter.

— Ah ! jeune homme, vous vous êtes rendu coupable de quelque excès ; vous avez joué, vous avez…

— Je n’ai rien fait, monsieur, qui me rende moins digne de votre estime. Je vous le répète, je voudrais vous consulter. Les jours bouillants de ma jeunesse sont passés ; je commence maintenant à avoir conscience de ce que je dois à la société. J’ai des moyens, je le crois, et j’ai de la persévérance, je le sais. Je voudrais occuper dans le monde une position qui pût racheter mon indolence passée, et faire honneur à ma famille. Je prends votre exemple pour guide, monsieur, et je viens vous demander un conseil, bien décidé à le suivre. »

Templeton fut saisi ; il s’abrita en partie la figure derrière sa main, et il examina d’un regard scrutateur le front élevé et les yeux intrépides de son neveu.

« Je crois que vous parlez avec sincérité ? dit-il après un moment de silence.

— Vous avez raison de le croire, monsieur.

— Eh bien, j’y penserai. Une honorable ambition me plaît : non pas une ambition trop exagérée ; celle-là devient criminelle. Mais il est convenable de désirer occuper une position considérée ; et puis la fortune est un bienfait ; parce que, ajouta l’homme riche en prenant une autre tranche d’ananas, parce qu’elle nous met à même d’être utiles à nos semblables !

— Alors, monsieur, dit Ferrers avec une ardeur intrépide, alors je vous avouerai que mon ambition est précisément du genre de celle dont vous parlez. Je suis obscur, je voudrais être connu et considéré ; ma fortune est médiocre, je voudrais qu’elle fût grande. Je ne vous demande rien ; je connais la générosité de votre cœur ; mais je voudrais faire mon chemin par moi-même !

— Lumley, dit Templeton, je ne vous ai jamais estimé autant qu’en ce moment. Écoutez-moi ; je vais vous confier quelque chose. Je crois que le gouvernement m’a certaines obligations.