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citurnité de sa femme, parla plus que de coutume. Il se lança dans la politique, regrettant de n’être pas au parlement dans un moment si critique.

« Si je possédais votre jeunesse et votre mérite, Lumley, je ne négligerais pas ma patrie. Le catholicisme nous menace.

— Moi aussi j’aimerais beaucoup à être au parlement, dit hardiment Lumley.

— Je le crois sans peine, répondit l’oncle sèchement. Cela coûte fort cher d’être au parlement, et il n’y a que les gens qui ont de grands intérêts de fortune dans le pays qui puissent y être. Servez du champagne à monsieur Ferrers. »

Lumley se mordit la lèvre et parla peu jusqu’à la fin du dîner. Cependant M. Templeton redevint gracieux lorsque le dessert fut servi ; il se mit à couper un ananas, en répétant plusieurs fois à Lumley qu’un jardin sans ananas ne signifiait rien.

« Quand vous vous fixerez à la campagne, mon neveu, ne manquez pas d’avoir des couches à ananas.

— Oh ! oui, dit Lumley presque avec amertume, ainsi qu’une meute, et un cuisinier français ; tout cela conviendra très-bien à ma fortune !

— Vous vous préoccupez des affaires pécuniaires plus qu’autrefois, dit l’oncle.

— Monsieur, répondit Ferrers d’un ton solennel, dans très-peu de temps, je vais être ce qu’on appelle un homme entre deux âges.

— Hum ! » fit l’hôte.

Il y eut encore un silence. Lumley, ainsi que nous l’avons déjà dit, ou donné à entendre, avait une profonde connaissance de la nature humaine, du moins telle qu’elle se présente d’ordinaire ; il se mit donc à retourner dans son esprit les différentes lignes de conduite qu’il serait sage de poursuivre à l’égard de son riche parent. Il vit que, dans l’escrime légère, son oncle avait sur lui l’avantage qu’a toujours un homme de haute taille sur un petit homme dans un assaut au fleuret ; en tenant son arme bien en garde, il tenait aussi son adversaire en respect à longueur de bras. Il y avait une réserve fière et une grande dignité chez l’homme qui avait quelque chose à donner, et Ferrers ne pouvait lui faire quitter la défensive, malgré toutes ses passes et le jeu brillant de sa rapière. Il se décida donc à adopter une nouvelle tactique, à laquelle la franchise de ses manières répondait admirablement. Au moment où il