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CHAPITRE IV.

Con una dama tenia
Un galan conversation
[1].

(Moratin. El Teatro espanol, num. 15.)

Maltravers arriva le premier au rendez-vous. Son caractère était singulièrement énergique, décidé et d’un développement prématuré, sous tous les rapports, sauf à l’égard des femmes. Avec ces dernières, il était la créature du moment ; il s’abandonnait au gré de chaque impulsion, de chaque passion, selon le caprice d’une imagination bizarre, vagabonde, et surtout poétique. Maltravers était poëte presque à son insu ; poëte en action, et la femme était sa muse.

Il n’avait formé aucun plan de conduite vis-à-vis de la pauvre fille qu’il allait rencontrer. Il n’avait aucune mauvaise intention à son égard. Si elle eût été moins jolie, la reconnaissance qu’elle lui inspirait eût été la même, et la pauvreté de sa mise, sa jeunesse, la position où elle se trouvait, exigeaient également qu’il choisît l’heure du crépuscule pour leur entrevue.

Quand il arriva au rendez-vous, il faisait déjà nuit ; mais une forte gelée avait éclairci l’air, les étoiles scintillaient, et de longues ombres dormaient, calmes et immobiles, en travers de la grande route, et sur les champs blanchis au delà.

Il se mit à marcher rapidement en long et en large, sans se préoccuper beaucoup de son entrevue ni de ce qui en résulterait, chantant à demi-voix quelques vieux refrains allemands ou anglais, et s’arrêtant à tout moment pour contempler les étoiles silencieuses.

Enfin il vit Alice s’avancer timidement et doucement. Son cœur battit plus vite ; il sentit qu’il était jeune et seul en face des séductions de la beauté.

« Charmante fille, dit-il, avec une galanterie involontaire et machinale, ce demi-jour vous sied à merveille. Comment vous remercier de ne m’avoir pas oublié ?

  1. Il entretenait avec une dame une galante conversation.