Page:Bulwer-Lytton - Ernest Maltravers.pdf/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tait la place qu’il leur assignait de prédilection), s’achemina à travers un jardin charmant et entretenu avec le plus grand soin.

« C’est une fort jolie petite propriété (elle fait partie du douaire de sa femme, je pense). Je ne la lui envierais pas, ma parole, si seulement j’avais le reste ! Mais voici, si je ne me trompe, le premier échantillon qu’a donné madame de son savoir-faire, en fait d’enfants. »

Cette dernière pensée jaillit du cerveau contemplatif de M. Ferrers à la vue d’une ravissante petite fille qui, sans crainte, et en véritable enfant gâtée qu’elle était, courut vers lui, et après l’avoir considéré à son aise pendant un moment, s’écria :

« Êtes-vous venu pour voir papa, monsieur ?

— Papa !… Que diable ! pensa Lumley ; et qui est votre vrai papa, chère enfant ?

— Mais le mari de maman donc. Ce n’est pas mon vrai papa.

— Non, certainement non, ma chérie ; ce n’est pas votre papa ; je comprends.

— Hein ?

— Oui, je viens voir votre faux papa, M. Templeton.

— Ah ! alors venez par ici.

— Vous aimez beaucoup M. Templeton, mon petit ange ?

— Mais bien sûr que je l’aime. Vous n’avez pas vu le cheval à bascule qu’il va me donner ?

— Pas encore, ma charmante enfant ! Et comment se porte maman ?

— Ah ! ma pauvre chère maman, dit l’enfant, dont la voix s’altéra subitement, et dont les yeux s’emplirent de larmes. Oh ! elle ne va pas bien !

— Elle est enceinte, sans aucun doute ! grommela Ferrers, en gémissant ; mais voici mon oncle. Horrible nom ! Les oncles de tout temps ont été de vrais scélérats. Richard III et l’homme qui a fait je ne sais plus quoi aux petits enfants dans le bois, n’étaient rien en comparaison de ce vieil oncle sans cœur, qui m’a volé de complicité avec une veuve ! Vieillard sensuel, va !… Mon cher oncle, que je suis donc enchanté de vous voir ! »

M. Templeton, homme d’un abord très-froid, et qui regardait toujours ou par-dessus la tête des gens ou par terre, ne fit qu’effleurer la main que lui tendait son neveu, et, après lui avoir dit qu’il était le bienvenu, il remarqua qu’il faisait un fort beau temps.