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jeune ! Vous êtes seulement un peu plus pâle et un peu plus maigre. Mais moi, regardez moi donc ! je n’ai pas beaucoup plus de trente ans, et je suis presque un vieillard ; chauve autour des tempes, et la patte d’oie par-dessus le marché. Ah ! l’oisiveté vieillit diablement !

— Bah ! Lumley, je ne vous ai jamais vu si bonne mine. Et êtes-vous véritablement revenu en Angleterre pour vous y fixer ?

— Oui, si mes moyens veulent me le permettre. Mais après avoir vu tant de choses, cette vie de garçon obscure et oisive ne me satisfait plus. Je sens que l’opinion du monde, qu’autrefois je méprisais, me devient nécessaire. Je veux être quelque chose. Que puis-je être ? Ne vous effrayez pas, je ne veux pas rivaliser avec vous. La célébrité littéraire, je n’en doute pas, est une fort belle chose, mais je voudrais quelque distinction plus solide, plus positive. Vous connaissez bien votre pays. Donnez-moi une carte routière des chemins qui mènent au pouvoir.

— Au pouvoir ! Oh ! il n’y a que la magistrature, la politique, et l’opulence.

— Pour la magistrature, je suis trop vieux ; la politique peut-être pourrait me convenir ; mais l’opulence, mon cher Ernest… Ah ! je voudrais bien avoir de longs comptes chez mon banquier !

— Eh bien ! ayez patience et bon espoir. N’êtes-vous pas l’héritier d’un oncle fort riche ?

— Je n’en sais rien, dit Ferrers d’un ton dolent ; le vieux bonhomme s’est remarié, et pourrait bien avoir des enfants.

— Remarié ! et à qui ?

— À une veuve, m’a-t-on dit ; je ne sais rien de plus, sinon qu’elle avait déjà une fille ; ainsi vous voyez qu’elle a contracté la mauvaise habitude d’avoir des enfants. Et peut-être, d’ici à ce que j’aie quarante ans, verrai-je toute une nichée de chérubins s’envoler, en emportant sur leurs ailes toute la grande fortune de mon oncle Templeton !

— Ah ! ah ! votre désespoir aiguise votre esprit, Lumley. Mais pourquoi ne pas marcher sur les traces de votre oncle, et vous marier vous-même ?

— C’est ce que je compte faire dès que j’aurai trouvé une héritière. Si c’est là ce que vous vouliez dire, c’est une idée sensée et que je n’attendais pas d’un homme qui écrit des livres et surtout des poëmes ; votre conseil n’est pas à dédai-