feriez bien d’apporter votre sac de nuit, et de passer quelques jours chez moi ; vous y serez très-certainement le bienvenu, surtout si vous pouvez vous arranger de manière à ne pas amener de domestique étranger. Les papistes m’inspirent une grande compassion, mais…
— Oh ! mon cher oncle, soyez sans crainte. Je ne suis pas assez riche pour avoir à mon service un domestique étranger ; et je n’ai pas parcouru les trois quarts du monde sans avoir appris qu’il est possible de se passer de valet.
— Pour ce qui est d’être assez riche, fit M. Templeton, d’un air de profond calculateur, un revenu de sept cent quatre-vingt-quinze livres et dix shillings[1] doit permettre à un homme de payer deux domestiques, si bon lui semble ; mais en tous cas, je suis content de voir que vous soyez économe. Nous nous verrons demain alors, à six heures.
— Au revoir… je veux dire, Dieu vous bénisse !
— L’ennuyeux vieillard ! grommela Ferrers ; son accueil a été moins cordial qu’autrefois ; peut-être sa femme est-elle enceinte, et va-t-il me faire l’injustice d’avoir un autre héritier. Il faut que j’y fasse attention ; car sans fortune, il vaudrait mieux m’en retourner vivre au cinquième à Paris. »
Arrivé à cette conclusion, Lumley doubla le pas, et gagna Seamore-Place. Quelques instants après, il se trouvait dans une bibliothèque, bien pourvue de livres, et décorée de statues et de bustes sortis des ateliers de Canova et de Thorwaldsen.
« Mon maître va descendre à l’instant, monsieur, » dit le domestique qui l’avait fait entrer ; et Ferrers se jetant sur un canapé se mit à examiner l’appartement, d’un regard moitié envieux, moitié cynique.
Bientôt la porte s’ouvrit, et ces mots :
« Eh bien ! mon cher, comment vous portez-vous ? » furent rapidement échangés.
Après que les premières questions, les premières expressions de plaisir et de bienvenue eurent préparé les voies à une causerie plus générale :
« Eh bien ! Maltravers, dit Ferrers, nous voici donc réunis encore une fois, après tant d’années d’intervalle ! Tous deux plus vieux, c’est certain ; et vous, sans doute, plus sage. En tous cas on vous croit plus sage, et c’est là tout ce qu’il faut. Comment donc ! mon garçon, vous paraissez toujours aussi
- ↑ 19 887 fr. 50 c.