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enchanté lorsqu’on lui dit qu’il était bien plus intéressant que ce fier personnage, qui portait une cravate comme tout le monde, et ne possédait pas même ces deux attributs indispensables du génie : des boucles noires, et un ricanement ironique. La haute société qui, ainsi que le dit avec justesse Mme de Staël, déprave un esprit frivole, et raffermit un esprit vigoureux, acheva de détruire ce qu’il y avait encore de viril dans l’intelligence de Cesarini. Il apprit bientôt à borner sa soif de renommée et de distinction, à faire de l’effet dans un salon doré ; sa vanité se contenta de ces miettes et de ces débris de succès, que dédaigne le cœur de lion de la véritable ambition. Mais ce n’était pas tout. Cesarini était envieux de l’opulence comparative de Maltravers, car sa fortune à lui consistait en un petit capital de huit à neuf mille livres sterling[1] ; mais, lancé au milieu de la société la plus riche de l’Europe, il ne pouvait se résigner à sacrifier le moindre titre à la considération de cette société. Il commença à parler de la satiété des richesses, et les jeunes personnes l’écoutèrent avec le plus vif intérêt ; il se fit une réputation d’opulence, et il avait trop de vanité pour n’en être pas enchanté. Il s’efforça de la maintenir en se jetant dans les excès ruineux et la prodigalité du monde où il se trouvait. Il acheta des chevaux ; il donna des bijoux ; il fit la cour à une marquise de quarante-deux ans, qui avait des bontés pour lui, et qui aimait passionnément l’écarté ; il joua ; en un mot, il prit la grand’route de perdition.


  1. 200 000 à 225 000 francs.