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avec la plus grande hospitalité. Vous me permettrez de vous servir de cicérone.

— An ! mais votre temps est si précieux !

— Il est tout à votre disposition ; mais où allez-vous ?

— C’est aujourd’hui dimanche, et je suis curieux d’entendre un prédicateur célèbre, M***, dont on parle à Londres, m’a-t-on dit, plus que de n’importe quel auteur.

— On vous a dit vrai ; j’irai avec vous. Moi-même, je ne l’ai pas encore entendu, et j’avais justement l’intention d’y aller aujourd’hui.

— N’êtes-vous pas jaloux d’un homme dont on parle tant ?

— Jaloux ! moi ! Mais je n’ai jamais eu la prétention d’être prédicateur à la mode ! Ce n’est pas mon métier.

— Si j’étais auteur en vogue, je serais jaloux qu’on parlât même des chiens savants.

— Non, mon cher Cesarini ; je suis sûr qu’il n’en serait rien. Vous êtes un peu irrité en ce moment par un désappointement fort naturel ; mais l’homme qui a autant de succès qu’il en mérite, n’éprouve pas cette jalousie maladive, même vis-à-vis d’un rival dans sa partie. L’absence de succès aigrit ; mais un rayon de soleil dissipe bientôt les nuages. Allons, venez ; nous n’avons pas de temps à perdre. »

Maltravers prit son chapeau, et les deux jeunes gens se dirigèrent vers la chapelle. Cesarini avait toujours son singulier costume, mais composé maintenant des plus belles étoffes, et porté avec plus de fatuité et de prétention. Il avait beaucoup gagné physiquement ; on l’avait admiré à Paris, et on lui avait dit qu’il avait l’air d’un homme de génie ; le fait est qu’avec ses longues boucles noires flottant sur ses épaules, avec sa longue moustache, son large chapeau espagnol et son habillement excentrique, il ne ressemblait pas à tout le monde. Le costume simple de son compagnon le faisait sourire de dédain.

« Je vois, dit-il, que vous suivez la mode, et que vous avez l’air de passer votre vie parmi les élégants, plutôt que parmi les hommes d’étude. Je m’étonne que vous puissiez vous conformer à des choses aussi puériles qu’un chapeau ou un habit à la mode.

— Ce serait bien plus puéril d’afficher l’originalité des chapeaux et des habits, du moins dans la grave Angleterre. Je suis né gentilhomme, et j’habille ma personne comme tous les gens de ma classe. Pourquoi affecterais-je d’être différent des autres parce que je suis écrivain ?