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CHAPITRE XII.

En effet, il entra dans mon appartement.
(Gil Blas.)
Je m’étonne, dit-il, du caprice de la fortune, qui se plaît quelquefois à accabler de ses faveurs un auteur exécrable, tandis qu’elle laisse les bons écrivains périr de besoin.
(Le même.)

Une année s’était écoulée depuis sa dernière entrevue avec Valérie, et Mme de Ventadour avait depuis longtemps quitté l’Angleterre, lorsqu’un matin que Maltravers se trouvait seul dans son, cabinet de travail, on annonça Castruccio Cesarini.

« Ah ! mon cher Castruccio, comment vous portez-vous ? s’écria Maltravers, au moment où la porte en s’ouvrant lui laissa apercevoir l’Italien.

— Monsieur, dit Castruccio, avec beaucoup de roideur et parlant français, selon son habitude, lorsqu’il voulait tenir les gens à distance ; monsieur, je ne viens pas pour renouveler notre ancienne connaissance ; vous êtes un grand homme (avec une ironie amère), moi, je ne suis qu’un homme obscur (ici Castruccio se redressa) ; je viens seulement pour m’acquitter d’une dette que j’ai contractée vis-à-vis de vous, d’après ce que je viens d’apprendre.

— Pourquoi cette façon de parler, Castruccio ? et de quelle dette voulez-vous parler ?

— À mon arrivée dans cette ville hier, dit le poëte, d’un ton solennel, je suis allé trouver l’homme que vous aviez chargé du soin de publier mon petit volume, afin de lui de mander compte de son succès, et j’appris qu’il avait coûté cent vingt[1] livres sterling, en déduisant le produit de quarante neuf exemplaires qui ont été vendus. Vos livres à vous, se vendent par milliers, me dit-on. C’est une affaire bien combinée, le mien est mort en naissant, personne ne s’en est occupé ; n’importe (et Cesarini fit de la main un geste d’in-

  1. 3000 francs.