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vait lentement les détours irréguliers de la longue rue du village, lorsque le ciel s’assombrit soudain, et quelques gros grêlons qui commencèrent à tomber, annoncèrent un orage prochain.

« Je vous avais bien dit que le temps se gâterait avant la fin du jour, dit George Herbert. Nous allons la gober !

— George, quelle expression triviale » ! dit lord Doningdale, en boutonnant son habit. Au moment où il parlait, un éclair éblouissant sembla jaillir de la route même qu’ils suivaient, et le ciel devint de plus en plus sombre.

« Nous ferions aussi bien de nous arrêter à l’auberge, dit Maltravers ; l’orage s’amoncelle rapidement de toutes parts, et madame de Ventadour…

— Vous avez raison, » interrompit lord Doningdale, et il mit bientôt son cheval au trot.

Ils arrivèrent bientôt à la porte du vieil hôtel. Les sonnettes carillonnèrent, les chiens aboyèrent, les palefreniers accoururent. Devant la porte se trouvait une chaise de poste, simple et de couleur foncée ; attirée peut-être par le bruit qui se faisait au-dessous, une dame qui se trouvait au « no 2, premier étage, » s’approcha de la fenêtre. C’était à cette dame qu’appartenait la chaise de poste, et, pour le moment, elle était seule dans son appartement. Elle regardait avec indifférence les nouveaux arrivants, lorsque ses yeux s’arrêtèrent sur l’un d’eux ; elle pâlit, jeta un faible cri, et tomba sans mouvement sur le plancher.

Cependant on avait fait entrer lord Doningdale et ses amis dans la chambre voisine de celle qu’occupait la dame. De fait, les deux chambres ne formaient qu’une seule grande pièce, destinée aux bals et aux assemblées du comté, et elle était coupée en deux par une mince cloison, qu’on pouvait enlever à volonté. La grêle tombait fort et serré, les arbres gémissaient, le tonnerre grondait bruyamment ; et dans cette grande et triste chambre, on sentait un froid palpable, une absence de bien-être accablante. Valérie grelottait ; on alluma du feu, et la Française s’en approcha.

« Vous êtes mouillée, ma chère dame, dit lord Doningdale. Vous devriez ôter votre amazone, pour qu’on la fasse sécher.

— Oh ! non ; qu’importe ? dit Valérie d’un ton amer et presque impoli.

— Il importe beaucoup, dit Ernest ; laissez-vous persuader, je vous en prie.