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cœur et l’âme, en quelque sorte, deviennent amis, et les affections s’unissent aux aspirations. De cette façon, on n’est jamais sans société, on n’est jamais seul ; tout ce qu’on a lu, appris, découvert, tient compagnie. C’est un grand bonheur, ajouta Maltravers, pour ceux qui n’ont pas de liens d’affection dans le monde extérieur.

— Et est-ce là votre cas ? demanda Valérie avec un timide sourire.

— Hélas, oui ! et depuis que j’ai pu vaincre un attachement, madame de Ventadour, je crains d’avoir perdu la faculté d’aimer. Je crois que, lorsqu’on cultive avec excès la raison ou l’imagination, nos jeunes sentiments s’émoussent, et perdent, jusqu’à un certain point, la perception des impressions gracieuses de la vie réelle. L’oisiveté, dit le vieux poëte romain, est l’huile dont l’amour nourrit sa torche.

— Vous êtes trop jeune pour parler ainsi.

— Je parle d’après ce que je sens. »

Valérie ne dit plus rien.

Quelques instants après, lord Doningdale s’approcha et leur proposa de faire le lendemain une excursion pour visiter les ruines d’une vieille abbaye, située à quelques milles de distance.


CHAPITRE X.

Si je te revoyais après de longues années d’absence, comment te saluerais-je ?
(Byron.)

Le lendemain, la cavalcade, moins nombreuse que de coutume, ne se composait que de lord Doningdale, son fils George Herbert, Valérie et Ernest. Ils s’en revenaient, après avoir visité les ruines, et le soleil qui commençait à descendre lentement vers l’occident, jetait ses rayons obliques sur les jardins et les maisons d’une petite ville, ou plutôt d’un village pittoresque situé sur la grande route du Nord. Cette ville ou ce village est un des plus jolis endroits de l’Angleterre, et possède une vieille auberge excellente, environnée d’un grand jardin, dessiné dans l’ancien goût. Notre petite cavalcade sui-