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être témoin de leur triomphe ; je m’imagine qu’il s’attendait à être décoré de l’ordre du Saint-Esprit. Lord Doningdale a du sang royal dans les veines. Sa Majesté l’invita une fois à dîner, et, au moment où il prenait congé, lui dit : « Nous sommes heureux, lord Doningdale, d’avoir pu ainsi nous acquitter de nos obligations vis-à-vis de vous. » Lord Doningdale s’en retourna chez lui fort mécontent ; et pourtant il se vante encore de ses souvenirs, pauvre homme !

— Les princes ne sont pas reconnaissants, ni les républiques non plus, dit Maltravers.

— Ah ! qui donc est reconnaissant, répondit Valérie, si ce n’est un chien ou une femme ? »

On conduisit Maltravers dans une vaste chambre de toilette, et un valet de chambre français l’avertit qu’à la campagne lord Doningdale dînait à six heures, et que la première cloche sonnerait dans l’espace de quelques minutes. Pendant que le valet parlait encore, lord Doningdale lui-même entra dans la chambre. Il avait appris, dans l’intervalle, que Maltravers appartenait à la grande et ancienne famille non titrée, dont il portait le nom, et dont son frère était l’héritier et le représentant. De plus, il avait appris que c’était le même M. Maltravers qui, par ses écrits, occupait toutes les bouches, soit pour la louange, soit pour la critique. Lord Doningdale possédait les deux particularités d’un parfait gentilhomme de la vieille école, le respect pour la naissance, et le respect pour le talent ; il témoigna donc une courtoisie marquée à Ernest, et l’engagea avec tant de cordialité à passer quelques jours chez lui, que Maltravers ne put faire autrement que d’y consentir. Sa garde-robe de voyage était restreinte, mais il n’avait pas grand souci de sa toilette.