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« Est-il possible ? Est-ce bien monsieur Maltravers que je vois ? »

Elle s’arrêta un moment, puis elle rejeta son voile en arrière, et Ernest vit… Valérie de Ventadour ! En cet instant, un monsieur grand et mince rejoignit la Française.

« Madame a-t-elle rencontré quelqu’un de sa connaissance ? dit-il et, s’il en est ainsi, veut-elle me permettre de partager son plaisir ? »

Cette interruption parut soulager Valérie ; elle sourit et rougit.

« Permettez-moi de vous présenter à M. Maltravers. Monsieur Maltravers, voici mon hôte, lord Doningdale. »

Les deux gentilshommes s’inclinèrent ; les autres cavaliers s’étaient rassemblés autour d’eux, et lord Doningdale d’un ton de courtoisie cérémonieuse, mais franche, invita Maltravers à revenir, avec toute sa société, à sa maison située environ à quatre milles de là. Comme on le supposera sans peine, Ernest accepta volontiers cette invitation. La cavalcade se remit en mouvement, et Maltravers s’empressa de demander à Valérie une explication, qui lui fut bientôt donnée. Madame de Ventadour avait une sœur plus jeune qu’elle, qui venait d’épouser un fils de lord Doningdale. Le mariage avait été célébré à Paris, et depuis une semaine, M. et Mme de Ventadour étaient en visite chez le noble Anglais.

Cette rencontre avait été si soudaine et si inattendue que ni l’un ni l’autre n’avaient pu recouvrer assez de sang-froid pour une conversation suivie. Quand elle eut donné cette explication, Valérie retomba dans un silence rêveur, et Maltravers se tint à côté d’elle également taciturne, réfléchissant à ce singulier hasard qui, après un intervalle de plusieurs années, les avait, pour ainsi dire, heurtés l’un contre l’autre.

Lord Doningdale, qui s’était tenu auprès de ses autres visiteurs, rejoignit bientôt Valérie et Maltravers, qui fut frappé de la noblesse et de la distinction de ses manières, et de l’élégance singulière quoique un peu recherchée de son ton et de ses expressions. Bientôt ils entrèrent dans un parc majestueux, un vrai parc anglais, qui attestait pourtant beaucoup plus de soins qu’on n’en consacre habituellement à de pareils domaines. Partout de jeunes plantations faisaient contraste à de vénérables massifs ; des cottages neufs d’une architecture pittoresque, ornaient la lisière du parc ; des obélisques et des colonnes imitées de l’antique, mais évidemment élevées depuis peu, leur apparaissaient à mesure qu’ils s’approchaient du ma-