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aspirations, il avait voulu faire du monde son confident ; lorsqu’il avait cherché à faire surgir de la vivante nature, du savoir des livres, des résultats combinés de l’étude intérieure et de l’observation extérieure, quelque chose qui pût enlacer son nom à certaines associations agréables chez ses semblables. Grâce à sa fortune aisée, et à sa solitude, il pouvait se livrer à ses pensées et à ses contemplations ; elles inondèrent son esprit ; et son esprit déborda enfin sur le papier, ce détroit qui relie la source isolée au vaste océan des connaissances humaines. Ainsi que nous l’avons vu, le tempérament de Maltravers n’était ni irritable ni craintif. Il se forma lui-même, comme un sculpteur forme sa statue, avec un modèle sous les yeux, et un idéal dans le cœur. Il essaya, à force de travail et de patience, de se rapprocher de plus en plus, à chaque nouvel effort, de ce degré de perfection qu’il jugeait être à la portée d’une ambition raisonnable ; et lorsque enfin il fut satisfait, il livra son œuvre avec une tranquille confiance à un tribunal plus impartial.

Son premier ouvrage eut du succès ; peut-être par la raison qu’il portait l’empreinte de l’honnête et du vrai. Il ne racontait pas ce qu’il n’avait jamais vu, il ne s’étendait pas sur des sentiments qu’il n’avait jamais éprouvés. Observateur silencieux et réfléchi de la vie, ses descriptions étaient d’autant plus vivantes que ses impressions n’étaient pas encore usées. L’expérience qu’il avait acquise avait pénétré profondément, non sur le sol aride de l’âge mûr, mais dans la terre fraîche des jeunes émotions. Une autre raison pour laquelle son ouvrage eut du succès, ce fut peut-être parce qu’il avait des connaissances plus variées et plus étendues que les jeunes auteurs ne jugent nécessaire en général d’en acquérir. Il ne cherchait pas, comme Cesarini, à faire un grand étalage de mots sur un mince capital d’idées. Que son style fût éloquent ou simple, c’était toujours chez lui la fidèle transcription d’une pensée mûrement pesée. Une troisième raison (et si j’insiste sur ce point c’est moins pour faire connaître la carrière de Maltravers, que pour donner quelques aperçus utiles à d’autres), une troisième raison pour laquelle Maltravers obtint du public un accueil prompt et favorable, ce fut qu’il n’avait pas vulgarisé ses particularités de style et de pensée dans les colonnes d’un journal, la pire école pour un apprenti littéraire. Les écrits périodiques forment un excellent moyen de communication entre le public et un auteur déjà connu, qui a