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mées. Ses pensées se tournèrent alors vers la fenêtre. Le volet ne la fermait qu’à demi, et pouvait aisément se déplacer. Mais la fenêtre ne s’ouvrait qu’en partie, comme dans presque toutes les chaumières, et l’ouverture en était beaucoup trop petite pour lui permettre de passer. Le seul moyen de fuite qui lui restât, c’était de briser tout le châssis, ce qui ne pouvait se faire sans bruit, et par conséquent sans danger.

Il s’arrêta avec désespoir. Il avait naturellement du sang-froid et un tempérament énergique ; il était accoutumé à ces périls physiques, que les étudiants allemands se plaisent tant à braver ; mais, en cet instant, le cœur lui manqua presque. Le silence qui régnait lui devint à charge, et son front se couvrit d’une sueur froide. Pendant que, irrésolu et en suspens, il s’efforçait de rassembler ses idées, son organe auditif aiguisé d’une manière surnaturelle par la crainte, distingua le bruit faible et étouffé de pas furtifs… il entendit le craquement des marches de l’escalier. Ce bruit rompit l’enchantement. La vague appréhension qu’il avait éprouvée s’évanouit à l’approche du danger réel. Sa présence d’esprit lui revint. Il se rapprocha vivement de la cheminée, saisit le fourgon, et se mit à attiser le feu, à tousser fort, pour faire comprendre aussi énergiquement que possible qu’il était bien éveillé.

Il sentait qu’on le guettait ; il sentait que le péril était imminent ; il sentait que l’apparence du sommeil serait le signal d’un conflit mortel. Le temps se passait : tout restait silencieux ; près d’une demi-heure s’était écoulée depuis le moment où il avait entendu des pas sur l’escalier. Cette situation commençait à lui donner sur les nerfs, à les irriter, à devenir intolérable. Ce n’était plus de la crainte qu’il éprouvait ; c’était le sentiment surexcité de la présence d’une inimitié mortelle : la sensation que peut éprouver un homme qui sait que l’œil d’un tigre est fixé sur lui ; qui, dans l’intervalle de l’attente, a retrouvé son courage, mais qui prévoit que tôt ou tard son ennemi devra s’élancer sur lui. Cet état de suspens même devient une angoisse telle, qu’il désire précipiter la lutte mortelle qu’il ne peut fuir.

Incapable d’endurer plus longtemps cette situation, le voyageur se leva, fixa les yeux sur la porte fatale, et s’adressant à celui qui le guettait, il était sur le point de lui crier d’entrer, quand il entendit frapper légèrement à la fenêtre ; ce signal fut répété deux fois, et à la troisième, le nom de Darvil fut prononcé à voix basse. Il était donc évident que des complices