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travers Regent-Street, vers un de ces hôtels meublés à l’aspect tranquille, qui ressemblent à des maisons particulières et qui sont clair-semés aux abords de Grosvenor-Square.

Ernest était attendu. Il avait écrit de Paris pour annoncer son arrivée à Cleveland, et Cleveland, dans sa réponse, lui avait appris qu’il avait retenu pour lui un appartement chez Shivart. Les garçons d’hôtel, avec leur sourire officiel, le firent entrer dans une chambre spacieuse et bien aérée ; déjà on avait roulé un fauteuil au coin du feu, et sur la table se trouvaient éparses une vingtaine de lettres, ainsi que deux ou trois journaux du soir. Combien ces journaux du soir attestaient éloquemment l’activité de l’Angleterre ! Un étranger même n’aurait pas éprouvé le besoin d’entendre une voix amie lui souhaiter la bienvenue, car la chambre tout entière semblait la lui souhaiter en souriant.

Maltravers commanda son dîner et ouvrit ses lettres ; elles n’avaient pas grande importance. L’une était de son intendant, une autre de son banquier, une troisième avait rapport aux courses de chevaux de son comté, une quatrième venait d’un homme dont il n’avait jamais entendu parler, qui sollicitait le vote et l’influence puissante de M. Maltravers pour le comté de B***, dans le cas où le bruit d’une dissolution prochaine du parlement se réaliserait ; ce candidat inconnu se recommandait, auprès de M. Maltravers, de son caractère public bien connu. Ernest se détourna avec impatience de ces épîtres, et aperçut un petit billet triangulaire que, jusque-là, il n’avait point observé. Cleveland lui mandait qu’il se trouvait en ville, que sa santé l’empêchait encore de sortir, mais qu’il espérait voir son cher Ernest aussitôt après son arrivée.

Maltravers fut charmé de l’idée de passer la soirée aussi agréablement ; il eut bientôt achevé son dîner et la lecture de ses journaux : puis il s’achemina, à cette lueur brillante que jette le gaz par une belle et froide soirée du commencement de décembre à Londres, vers la demeure de son ami, située dans Curzon-Street. C’était une maison de petites dimensions, simple d’aspect, et bien appropriée pour un célibataire. Car Cleveland dépensait presque entièrement dans sa maison de campagne sa fortune, qui était modeste quoique suffisante à ses besoins. Ernest aperçut à la porte le visage bien connu du vieux valet de chambre, et ne s’arrêta que pour apprendre que la santé de son tuteur était presque complétement rétablie ; un instant après il était dans le joli salon du bienveillant Cleveland, échangeant