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— Non, non ! s’écria l’un des officiers, car tels étaient les assaillants de Darvil ; tirez de ce côté-ci, camarade ; nous sommes payés pour cela, le monsieur n’en savait rien du tout.

— Rien, j’en jure Dieu ! dit le banquier, à qui la peur faisait oublier sa pusillanimité habituelle.

— Alors, je ménage ma poudre, dit Darvil, et faites attention que le premier qui approche est un homme mort. »

Il se trouvait que le voleur et les officiers étaient à une distance trop grande pour qu’un coup de pistolet fût d’un effet sûr, et de part et d’autre ils sentaient que la prudence était nécessaire.

— Votre temps est venu, mon beau gaillard ! s’écria le chef du détachement ; vous avez eu votre règne, et il me semble qu’il a été long ; il faut maintenant baisser pavillon, jetez vos pistolets, ou bien il faudra que nous vous abattions et que nous volions la potence. » Darvil ne répondit pas, et les officiers accoutumés à faire bon marché de leur vie, s’avancèrent tenant leurs pistolets armés et dirigés vers lui.

Darvil fait feu ; l’un des hommes chancelle et tombe. Par une sorte d’instinct, Darvil a visé l’homme avec lequel il vient de lutter à la vie à la mort. Le brigand n’attendit pas les autres ; il tourna les talons, et s’enfuit à travers champs.

— Par l’enfer ! il est parti ! s’écrient les deux autres, et ils s’élancent à sa poursuite. Moment de suspens… un coup de feu… un autre… une imprécation… un gémissement… et tout redevient silencieux.

— C’est fini de lui, maintenant ! dit l’un des agents dans le lointain ; il meurt crânement. »

À ces mots, le paysan, qui jusqu’alors s’était tenu caché derrière la meule de foin, saisit la lanterne qui se trouvait à terre, et courut à l’endroit d’où venaient les voix. Le banquier le suivit involontairement.

Luc Darvil était étendu sur l’herbe, encore vivant, mais présentant un spectacle horrible, effrayant.

Une balle lui avait traversé la poitrine, l’autre lui avait emporté la mâchoire. Il roulait les yeux d’une manière épouvantable, et déchirait le gazon avec ses mains.

Les officiers le regardaient froidement.

« C’était un gaillard adroit ! dit l’un.

— Et qui nous a donné bien de la peine, dit l’autre ; voyons à nous occuper de Guillaume.