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CHAPITRE V.

Croyez-moi, elle a gagné ma compassion. Hélas ! sa douce nature n’était pas faite pour lutter contre l’adversité.
(Rowe.)
Il était réservé et grave depuis sa tendre

enfance ; grand observateur des formes, mais encore plus préoccupé de la vérité ; il portait toujours des habits gris clair, et son expression de sérénité trahissait la placidité de son âme.

. . . . . . . . . . . . . . .

Pourtant, en observant bien, on apercevait dans son œil étincelant de la perspicacité et de la finesse ; ses amis trouvaient son regard pénétrant, ses ennemis le trouvaient faux ; mais ni ennemis ni amis ne pouvaient citer une faute qu’il eût commise, car ses actions étaient aussi irréprochables que ses discours. On disait qu’il était chaste, sobre, sérieux et pieux ; il l’était en effet, et n’en éprouvait pas de honte.

(Crabbe.)
Il faut que je sonde ce mystère.
(Beaumont et Fletcher.)

Mistress Leslie, la dame dont le lecteur a fait la connaissance au chapitre précédent, était une femme chez qui la plus haute intelligence s’alliait au cœur le plus tendre ; combinaison qui n’est pas rare. Elle écouta l’histoire d’Alice avec une admiration mêlée de compassion. L’innocence et l’honnêteté naturelles de la jeune mère prêtaient tant d’éloquence à ses paroles et à ses regards, que mistress Leslie, en écoutant son récit, trouva beaucoup moins à pardonner qu’elle ne s’y était attendue. Néanmoins elle crut devoir ouvrir les yeux d’Alice sur ce qu’il y avait de criminel dans la liaison qu’elle avait formée. Mais sur ce point, Alice était singulièrement obtuse ; elle écoutait avec une patience résignée les observations de mistress Leslie ; mais il était évident qu’elles faisaient fort peu d’effet sur elle. Elle n’avait pas assez vu l’état social pour corriger ses premières impressions de l’état naturel. Elle ne put répondre autre chose à mistress Leslie que ces mots :

« Tout cela peut être très-vrai, madame, mais je suis bien meilleure depuis que je l’ai connu ! »

Quoique Alice reçût avec humilité le blâme qui lui était per-