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afin que mon enfant ne manquât de rien. Je voudrais bien pouvoir me suffire à moi-même : il disait, lui, que je le pourrais.

— Lui !… Vos manières et votre langage ne sont pas ceux d’une paysanne. Que pouvez-vous faire ? Que savez-vous ?

— La musique et l’ouvrage, et… et…

— La musique !… C’est fort singulier ! Qu’étaient vos parents ? »

Alice tressaillit et se cacha la figure dans les mains.

L’intérêt de la dame était maintenant complétement éveillé en sa faveur.

« Elle a péché, se disait-elle ; mais à cet âge, peut-on la traiter avec rigueur ? On ne peut la jeter au milieu du monde et laisser le péché dégénérer en habitude. Suivez-moi, dit-elle après un moment de silence : et sachez que vous avez une amie. »

La dame tourna l’angle de la grande route, descendit un vert sentier qui conduisait à la grille d’un parc. Elle entra dans la loge du gardien ; et après un moment de conversation avec la personne qui l’habitait, elle fit signe à Alice de s’approcher.

« Jeannette, dit la nouvelle protectrice d’Alice à une femme avenante et d’une figure agréable, voici la jeune femme. Vous en prendrez bien soin ainsi que de son enfant. Demain je lui enverrai des vêtements convenables, et d’ici-là je songerai à ce qu’il y a de mieux à faire pour son bien à venir. »

En disant ces mots, la dame adressa un doux sourire à Alice, qui avait le cœur trop plein pour parler. La porte de la maisonnette se referma, et aux yeux d’Alice le jour sembla s’être assombri.