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LIVRE IV.


CHAPITRE PREMIER.


Hélas ! je n’ai vécu sur cette terre que quelques tristes années ; et le destin cruel a voulu qu’un père empoisonnât l’aurore de ma vie, et flétrît les espérances de ma jeunesse.
(Cenci.)


Après avoir suivi Maltravers dans la marche silencieuse de son éducation mentale, nous le quitterons un moment pour revenir à Alice Darvil, à qui la destinée réservait des épreuves plus rudes et plus cruelles. Sur son chemin la poésie ne semait pas de fleurs, et ses pas solitaires vers ce pèlerinage lointain où elle devait enfin trouver le repos, n’étaient pas éclairés par la lampe mystique de la science, ou guidés par ces mille étoiles, qui brillent éternellement dans les cieux pour ces yeux favorisés, dont le génie et l’imagination ont, en partie, fait tomber les voiles terrestres. Les pas découragés de l’enfant de la misère et de la douleur n’erraient pas dans ces sentiers éthérés et élevés, qui serpentent bien au-dessus des habitations et des travaux du vulgaire, parmi les Alpes solitaires de la philosophie spirituelle. Sur les grandes routes battues et pierreuses de la vie commune, le cœur navré, et les pieds saignants, elle poursuivait sa triste route. Mais ce but, qui est le grand secret de la vie, le Summum arcanum de toute philosophie pratique ou idéale, n’était peut-être pas plus difficile à atteindre pour cette humble fille, que pour le pas élastique et le cœur ambitieux de celui qui avait soif du grand, et qui croyait presque à l’impossible.

Revenons à cette nuit fatale où Alice avait été arrachée au toit de son amant. Elle fut longtemps à recouvrer la conscience