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faire combattre dignement, dans la vaste arène du monde, pour la conquête d’une noble palme. »

Maltravers n’avait jamais éprouvé une émotion si flatteuse ; il ne s’était jamais senti si disposé aux résolutions élevées. La majestueuse éloquence, le chaleureux encouragement de cet homme habituellement si froid et si difficile, réveillèrent son ardeur comme le son de la trompette. Il s’arrêta ; sa respiration était entrecoupée, ses joues brûlantes.

« De Montaigne, dit-il, vos paroles ont dissipé mille doutes, mille scrupules… elles sont allées droit à mon cœur. Pour la première fois, je comprends la gloire ; je comprends le but et la récompense du travail ! J’avais peut-être déjà des rêves, des espérances, des aspirations ; car depuis plusieurs mois une âme nouvelle s’agite en moi. Je sentais bien que les ailes voulaient briser la coquille. Mais tout était confusion, obscurité, incertitude. Je doutais qu’il y eût de la sagesse dans l’effort, la vie étant si courte et les plaisirs de la jeunesse si enivrants ! Maintenant je n’envisage plus la vie que comme une parcelle de cette éternité, pour laquelle je sens que nous sommes nés ; et je reconnais cette solennelle vérité, que notre but, pour faire une vie digne de nous, doit être digne aussi de créatures chez lesquelles le principe vital ne s’éteint jamais. Adieu ! vienne la joie ou la douleur ; vienne la chute ou le succès, je m’efforcerai toujours de mériter votre amitié. »

Maltravers s’élança dans sa barque, et les ombres de la nuit l’arrachèrent bientôt aux regards de de Montaigne.