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auprès de la porte sans être aperçu. Le petit élève fut le premier à le voir, et oubliant soudain les monosyllabes, il courut au-devant de lui ; car Maltravers, bien qu’il fût d’un caractère plutôt doux que gai, était fort aimé des enfants, et, avec sa belle physionomie calme et bienveillante, il avait plus de succès auprès d’eux que s’il eût eu, comme le docteur Burchell de Goldsmith, les poches bourrées de pain d’épices et de pommes.

« Ah ! fi donc, monsieur Maltravers, dit Teresa en se levant ; vous avez soufflé sur tous les caractères que j’essaye depuis une heure de graver sur le sable.

— Non pas, signora, dit Maltravers, qui s’assit et prit l’enfant sur ses genoux ; mon jeune ami ne s’en remettra que mieux à l’œuvre après cette petite récréation.

— Vous allez passer la journée avec nous, j’espère ? dit de Montaigne.

— En effet, dit Maltravers, je venais vous en demander la permission, car je pars demain pour l’Angleterre.

— Est-il possible ? s’écria Teresa. Si précipitamment ! Comme vous allez nous manquer ! Oh ! ne partez pas. Mais peut-être avez-vous reçu de mauvaises nouvelles de votre pays ?

— J’ai reçu des nouvelles qui me forcent à partir, répondit Maltravers ; mon tuteur, mon second père a été dangereusement malade. Je suis inquiet à son sujet, et je me reproche de l’avoir oublié si longtemps dans votre société attrayante.

— Je suis véritablement fâché de vous perdre, dit de Montaigne avec plus de chaleur dans l’accent que dans les mots. J’espère du fond de mon cœur que nous nous reverrons bientôt. Vous viendrez peut-être à Paris ?

— C’est probable, dit Maltravers ; et vous, peut-être, viendrez-vous en Angleterre ?

— Ah ! que cela me ferait de plaisir ! s’écria Teresa.

— Non, cela ne vous en ferait guère, dit son mari ; vous n’aimeriez pas du tout l’Angleterre : vous trouveriez que c’est un séjour triste au delà de toute expression. C’est un de ces pays dont les habitants doivent être fiers de leur patrie, mais qui n’ont aucun agrément pour les étrangers, justement parce qu’ils offrent tant d’occupations sérieuses et entraînantes à leurs citoyens. Les pays qui ont le plus d’attrait pour les étrangers, sont ceux qui sont le plus défavorables aux natifs (témoin l’Italie) et vice versâ. »

Teresa secoua les boucles de sa brune chevelure, et refusa de se laisser convaincre.