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n’en avait montré jusque-là, que puisque vous êtes si fatigué, et qu’il est si tard, vous pourriez peut-être aussi bien….

— Quoi donc ? s’écria l’étranger en frappant du pied avec un peu d’impatience.

— Je ne sais comment vous faire cette offre ; mais mon pauvre toit est à votre service, et demain au petit jour je vous accompagnerais à ***. »

L’étranger regarda alternativement l’homme et les murailles noircies de la cabane. Il était sur le point de refuser brusquement cette proposition hospitalière lorsque, tout à coup, son regard tomba sur Alice, qui, debout, la bouche et les yeux ouverts, contemplait avidement le bel intrus. En rencontrant ses yeux, elle rougit beaucoup, et tourna la tête. La vue d’Alice sembla changer les intentions de l’étranger. Il hésita un instant, grommela quelque chose entre ses dents, puis, laissant tomber à terre son havre-sac, se jeta sur une chaise, détendit ses membres, et s’écria gaiement :

« Ainsi soit-il, mon hôte ; refermez votre porte. Apportez-moi un verre de bière et une croûte de pain, et voilà pour mon souper ! Quant à un lit, cette chaise fera parfaitement mon affaire.

— Nous pourrons peut-être vous donner quelque chose de mieux que cette chaise, répondit l’hôte. Mais ce que nous pouvons offrir de meilleur doit sembler encore assez mauvais à un gentilhomme ; nous ne sommes que de pauvres gens, de rudes travailleurs, mais très-pauvres.

— Ne vous préoccupez pas de moi, répondit l’étranger, qui se mit activement à attiser le feu ; je suis accoutumé à des choses plus dures que de dormir sur une chaise dans la maison d’un honnête homme ; car, bien que vous soyez pauvre, il va sans dire que je vous tiens pour honnête. »

L’homme sourit ; et se retournant vers Alice, il lui commanda d’apporter tout ce que contenait le garde-manger. Quelques croûtes de pain, quelques pommes de terre froides, et de la bière assez forte, composaient tout le repas qu’elle servit au voyageur.

En dépit de ses précédentes bravades, le jeune homme fit la grimace lorsqu’il s’assit devant ces apprêts socratiques. Mais en rencontrant les yeux d’Alice il reprit son air de bonne humeur. Cette dernière s’arrêta un moment près de la table et bégaya avec hésitation quelques mots d’excuse ; il lui saisit la main, et la pressant avec tendresse :