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cas il faut avoir une connaissance précise à acquérir ; dans le dernier quelque conception à développer. Maltravers sentit renaître sa passion d’adolescent pour la spéculation métaphysique ; mais c’était avec des résultats bien différents qu’il se mesurait contre les subtilités des érudits, maintenant qu’il avait l’expérience pratique de l’humanité ! De nouvelles lumières éclairaient insensiblement son intelligence à mesure qu’il pénétrait dans le labyrinthe par lequel nous tentons d’arriver à ce monstre curieux et biforme, notre propre nature… Son esprit se satura, pour ainsi dire, de ces études et de ces méditations profondes ; et lorsque enfin il se reposa, il lui sembla, qu’au lieu de vivre dans la solitude, il venait au contraire de passer par une phase d’activité au milieu du mouvement du monde, tant la connaissance qu’il avait acquise des autres et de lui-même était devenue plus juste et plus lucide. Mais, bien que ses travaux intellectuels trouvassent dans ses recherches comme une nouvelle vie, ils ne se bornaient pas là. La poésie et la littérature moins sérieuse ne remplirent pas simplement ses loisirs, elles lui devinrent un objet d’études critiques et réfléchies. Il se plaisait à approfondir les causes qui ont donné à ces tissus aériens, à ces bulles légères, créés par l’imagination des hommes, une influence si puissante et si durable sur un monde sec et positif. Et quel admirable théâtre, quel ciel, quel air délicieux pour commencer le travail d’une ambition qui cherche à fonder son empire dans les cœurs et la mémoire des hommes ! Je suis sûr que rien n’influe sur les futurs labeurs de l’écrivain, comme le lieu où il fait pour la première fois le rêve de devenir auteur.

Ernest fut tiré du milieu de ces occupations par une autre lettre de Cleveland. Cet excellent ami avait été désappointé et contrarié que Maltravers n’eût pas suivi son conseil de revenir en Angleterre. Il avait montré son mécontentement en ne répondant pas à la lettre d’excuses que lui avait écrite Ernest ; mais il venait d’être attaqué d’une maladie dangereuse qui l’avait mis aux portes du tombeau ; l’épuisement de ses forces avait radouci son humeur, et il écrivait à Maltravers, dès les premiers moments de sa convalescence, pour lui apprendre sa maladie, le danger qu’il avait couru, et l’engager de nouveau à revenir.

La pensée que Cleveland, le bon, l’indulgent, le cher mentor de sa jeunesse avait été en danger de mort, que plus jamais il n’aurait pressé cette main protectrice, que plus jamais il n’aurait