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nesse de caractère enjouée qui appartient habituellement aux cœurs affectueux, et qui caractérise les hommes de grand génie lorsqu’ils se trouvent au milieu des amis qu’ils affectionnent ou de la famille qu’ils illustrent, quelque sérieuses que soient d’ailleurs leurs études, ou quelque sévères et reservés qu’ils se montrent au reste du monde. Préoccupé d’un seul rêve, concentré en lui-même, le jeune Italien était sombre et morose pour tous ceux qui ne sympathisaient pas avec ses fantaisies maladives. Il délaissait les enfants, la sœur, l’ami, toute la terre vivante, pour un poëme sur la solitude, ou des stances sur la gloire, Maltravers se disait en lui-même : « Je ne serai jamais auteur, je ne soupirerai jamais après la célébrité, si je dois acheter de vaines ombres à ce prix-là ! »


CHAPITRE IV.

On ne saurait trop se convaincre que les connaissances intellectuelles ne s’acquièrent qu’au prix de l’application, et qu’il est aussi absurde de s’attendre à les posséder sans elle, qu’il serait insensé d’espérer une moisson là où l’on n’a pas semé de grain.
Chaque acte de la vie peut être le point de départ d’une traînée de conséquences, dont l’influence ne se terminera qu’avec l’existence.
(Bailey. Essai sur la formation et la publication des opinions.)

Le temps s’écoulait, et l’automne s’avançait à grands pas vers l’hiver ; cependant Maltravers prolongeait son séjour à Côme. Il voyait peu de monde, hormis la famille de Montaigne, et nécessairement il passait seul la plus grande partie de son temps. Il continuait à s’occuper à des essais de ses facultés intellectuelles qui, tous les jours, prenaient plus d’essor et d’extension.

Néanmoins il cachait avec soin à ses nouveaux amis ses Passe-temps de Côme ; il ne cherchait pas d’auditeurs ; il ne songeait pas au public : il désirait simplement exercer son esprit. Il s’aperçut de lui-même, en travaillant, qu’on ne peut faire d’études bien approfondies, ni composer avec beaucoup d’art, si l’on n’a en vue quelque but défini : dans le premier