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LA NUIT ET L’AMOUR.

Quand les étoiles scintillent dans le ciel pur, c’est l’heure où je pense à toi ! Tourne alors vers moi tes doux yeux, et regarde-moi comme les étoiles regardent la mer !

Car les pensées, comme les vagues pendant la nuit, ne brillent jamais plus que lorsqu’elles sont le plus calmes ; mon amour terrestre dort environné de lumières sous le firmament du tien.

Il est une heure où les anges veillent sur les hommes ; où les âmes vulgaires sont plongées dans le sommeil ; doux esprit, viens me trouver alors.

Il est une heure où des rêves pieux se glissent radieux à travers notre sommeil ; c’est l’heure mystique où nous devrions être ensemble.

Les vulgaires rayons du jour profaneraient ta sainte présence ; je ne dois voir en toi que mon étoile, mon ange, mon rêve !

Dès que l’exemple eut été donné, et que les éloges de la gracieuse maîtresse de la maison eurent excité l’émulation générale, la guitare passa de main en main, et chacun des Italiens prit part à ce concert improvisé. On aurait cru assister à l’une de ces antiques fêtes de la Grèce, où la lyre et la branche de myrte circulaient à la ronds.

Mais les Italiens, ainsi que l’Anglais, sentaient que le plaisir serait incomplet si la cantatrice et l’improvisatrice célèbre qui présidait au petit banquet ne se faisait entendre ; Mme de Montaigne, avec le tact d’une femme, devina le désir général, et prévint la prière qui devait inévitablement lui être adressée. Elle prit la guitare des mains de celui qui avait chanté le dernier, et, se tournant vers Maltravers :

« Vous avez sans doute entendu, lui dit-elle, quelques-uns de nos improvisateurs les plus distingués ; par conséquent, si je vous demande un sujet, ce n’est que pour vous prouver que c’est un talent dont les Italiens n’ont pas seuls le privilége.

— J’ai effectivement entendu, dit Maltravers, de vieux messieurs fort laids, avec de grands favoris et des gestes de la plus effrayante férocité, lancer des impromptu véhéments. Mais jusqu’à présent, je n’ai jamais entendu improviser une jeune et belle dame. Je ne croirai à l’inspiration que venant des lèvres de la muse elle-même.

— Eh bien, je ferai tous mes efforts pour mériter vos compliments ; il faut que vous me donniez un sujet. »