Page:Bulwer-Lytton - Ernest Maltravers.pdf/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


De ton sommeil heureux, qu’on respecte le cours,
Enfant, savoure en paix le rêve de tes jours.


Tels étaient les accents, chantés dans sa douce langue italienne, et imparfaitement traduits ici, qui flottaient, par une délicieuse soirée d’été sur le lac de Côme. La barque d’où s’élevait ce chant voguait doucement sur les eaux transparentes, vers le bord moussu d’une verte pelouse, d’où l’on apercevait, sur une petite éminence, les murailles blanches d’une villa adossée à des vignobles. Debout sur cette pelouse, une femme, jeune et belle, s’appuyait au bras de son mari, et prêtait l’oreille à sa musique. Mais son plaisir s’augmenta bientôt d’un intérêt tout personnel, lorsqu’elle s’aperçut que les bateliers, en s’approchant de la rive, avaient changé de rhythme, et qu’ils chantaient en son honneur :


SÉRÉNADE ADRESSÉE À LA CANTATRICE.
Chœur.

Posons sans bruit les avirons ;
N’agitons plus les flots tranquilles
Dont le murmure aux environs
Pourrait troubler de purs asiles.
Amis, voyez ce bord sacré
Où les eaux caressent le sable :
C’est là le séjour révéré
De ce talent incomparable.
Les doux parfums du citronnier
Y viennent poussés par la brise ;
Que le courant hospitalier
Sur ses eaux en paix nous conduise
Vers cette déesse du chant,
Que le ciel prête à nos campagnes
Pour être l’esprit bienfaisant
Et la muse de nos montagnes.

Récitatif.

Le Lombard a perdu la source de ses gloires :
La couronne de fer échoit à l’étranger,
Qui fait de nos vallons un champ pour ses victoires ;
Et l’Italie en pleurs ne sait point se venger !
Mais auprès de ce lac où voguent nos nacelles,
La fille d’Harmonie a fixé son séjour ;
Les victoires de l’art ne sont pas les moins belles :
Ce laurier embellit du moins son dernier jour.