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La soirée était avancée, lorsque Maltravers se trouva seul dans sa voiture, suivant à la lueur des étoiles l’ancienne et triste route de Mola di Gaëta.

Il se réjouissait de sa solitude ; il éprouvait un sentiment de soulagement inexprimable à être débarrassé de Ferrers. Le jugement sec, l’exigence impérieuse et absolue, malgré son ton badin, la sensualité amicale de son camarade, eussent été pour lui, dans l’état présent de son esprit, une torture continuelle.

Le lendemain matin, lorsqu’il se leva, les orangers en fleur de Mola di Gaëta envoyaient leurs parfums à la fenêtre de l’auberge où Maltravers était descendu. On était aux premiers jours du printemps, et il est impossible de décrire la fraîcheur de cette senteur, l’haleine embaumée et salubre qui s’exhalait de la terre et de l’air. L’Italie elle-même possède peu de sites plus charmants que Mola di Gaëta ; ni à Naples, ni à Sorrente, le calme Océan ne se pare d’un sourire plus en chanteur et plus doux.

Après un rapide déjeuner auquel il goûta à peine, Maltravers erra dans les bosquets d’orangers et gagna le rivage ; et là, étendu nonchalamment à côté des vagues plaintives, il s’abandonna à la rêverie, et il essaya pour la première fois, depuis sa dernière entrevue avec Valérie, de rassembler ses pensées et d’examiner l’état de son esprit et de ses sentiments. À son grand étonnement, il ne se trouva pas aussi malheureux qu’il s’y était attendu. Au contraire, une sensation douce et presque délicieuse, qu’il ne pouvait bien définir, flottait sur tous ses souvenirs de la belle Française. Peut-être tout le secret de cette paix de l’âme était-il qu’en même temps que sa fierté n’était point humiliée, sa conscience ne lui adressait point de reproches ; peut-être aussi n’avait-il pas aimé Valérie aussi ardemment qu’il se l’était imaginé. L’aveu et la séparation étaient arrivés heureusement avant que la présence de Valérie fût devenue le besoin de sa vie. Il se sentait réconcilié avec l’humanité et avec lui-même, comme par la vertu de quelque saint et mystique sacrifice. Il se réveillait à une appréciation plus juste et plus haute de la nature humaine, et de la nature des femmes en particulier. Il avait trouvé l’honnêteté et la sincérité là où il l’aurait le moins soupçonnée chez une femme de cour, chez une femme environnée d’une société frivole et corrompue ; chez une femme qui, pour l’empêcher de céder à l’entraînement, n’avait rien à redouter de l’opinion