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— Non.

— Qu’y a-t-il donc, alors ? Pourquoi partez-vous, et où allez-vous ?

— Qu’importe ? Laissez-moi tranquille.

— C’est amical ! dit Ferrers ; très-amical ! Et moi, que vais-je devenir ? Quelle société aurai-je dans ce maudit repaire d’antiquaires et de lazzaroni ? Vous n’avez pas de sensibilité, monsieur Maltravers !

— Voulez-vous venir avec moi, alors ? dit Maltravers en faisant de vains efforts pour sortir de son accablement.

— Mais où allez-vous ?

— N’importe où ; à Paris… à Londres.

— Non ; j’ai fait mes projets pour cet été. Je ne suis pas si riche que certaines gens. Je déteste le changement : cela coûte trop cher.

— Mais, mon cher ami…

— Et croyez-vous que ce soit bien agir à mon égard ? continua Lumley, qui, pour la première fois de sa vie, était réellement en colère. Si j’étais un vieil habit que vous eussiez porté pendant cinq ans, vous ne me jetteriez pas de côté avec plus de sans-façon.

— Ferrers, pardonnez-moi. Il y va de mon honneur. Il faut que je quitte ces lieux. J’espère que vous voudrez bien y rester mon hôte, quoique je sois absent. Vous savez que j’ai retenu cet appartement pendant trois mois encore.

— Hum ! dit Ferrers ; puisqu’il en est ainsi, autant que je reste ici. Mais pourquoi tout ce mystère ? Auriez-vous séduit madame de Ventadour, et son sage mari a-t-il des soupçons ? Hein, hein ! »

Maltravers étouffa l’indignation que lui causa cette grossière insinuation. Peut-être la patience n’est-elle jamais mise à une plus rude épreuve que lorsqu’il faut écouter les cyniques plaisanteries d’un ami mâle sur des liaisons de cœur.

« Ferrers, dit Maltravers, si vous tenez à mon affection, n’articulez jamais un mot irrespectueux pour madame de Ventadour, c’est un ange !

— Mais pourquoi quitter Naples ?

— Ne me tourmentez plus.

— Bonjour, monsieur » dit Ferrers, fort courroucé, et il sortit majestueusement de la chambre ; Ernest ne le revit plus avant son départ.