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leur. Mais, dans l’absence et la tristesse, laissez-moi la pensée que je conserve dans votre amitié (votre amitié seulement) l’inspiration, le guide dont vous avez parlé. Et si plus tard mon nom vous parvient, environné de gloire et d’honneur, vous saurez, Valérie, que je me suis dédommagé de la perte de votre amour en devenant digne de votre confiance et de votre estime. Ah ! pourquoi ne nous sommes-nous pas rencontrés plus tôt, lorsqu’il n’y avait pas d’obstacle entre nous !

— Partez, partez à présent ! balbutia Valérie, presque suffoquée par l’émotion. Que le ciel vous protége ! Partez ! »

Maltravers murmura quelques paroles incohérentes et inintelligibles et quitta la chambre.


CHAPITRE V.

Les hommes de sens, ces idoles des esprits bornés, sont très-inférieurs aux hommes de passion. Ce sont les fortes passions qui, en nous tirant de notre inertie, peuvent seules nous communiquer cette attention sérieuse et continue, nécessaire aux grands efforts intellectuels.
(Helvétius.)

Ce jour-là, quand Ferrers rentra de sa promenade accoutumée, il fut surpris de trouver le vestibule et l’antichambre de l’appartement, qu’il occupait en commun avec Maltravers, encombrés de sacs de nuit, de malles, de caisses et de livres ; tandis que le valet suisse d’Ernest donnait des ordres à un portefaix et à des garçons d’hôtel, dans un langage en mosaïque, combiné de français, d’anglais et d’italien.

« Tiens ! dit Lumley, qu’est-ce que tout ceci ?

— Il signor va partir, sir ; ah ! mon Dieu ! tout subito.

— Oh ! oh ! Et où est-il en ce moment ?

— Dans sa chambre, sir. »

Ferrers se fraya un passage à travers ce chaos, ouvrit, sans cérémonie, la porte de la chambre de son ami, et vit Maltravers plongé dans un fauteuil ; ses mains tombaient inertes sur ses genoux, sa tête était affaissée sur sa poitrine, et toute son attitude exprimait le découragement et l’accablement.

« Qu’avez-vous donc, mon cher Ernest ? Vous n’avez pas tué quelqu’un en duel, par hasard ?