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tions, des combats, par lesquels j’ai passé depuis quelques heures : c’est la crise de ma vie. Je ne vous parle que de la résolution que j’ai prise. J’ai pensé que je vous devais la vérité, et qu’il n’était pas indigne de moi de vous la dire. Peut-être, comme femme aurais-je dû vous la taire ; mais mon cœur a quelque chose de mâle dans sa nature. J’ai grande foi dans votre noblesse. Je vous crois capable de sympathiser avec ce qu’il y a de meilleur dans la faiblesse humaine. Je vous dis que je vous aime ; je m’abandonne à votre générosité. Je vous conjure de m’aider à faire ce que je dois ; je vous conjure d’avoir de l’estime pour moi, de me respecter et de me quitter ! »

Pendant la dernière partie de cet aveu étrange et loyal, la voix de Valérie était devenue on ne peut plus touchante : sa tendresse se trahissait dans ses traits, lorsqu’elle se tut ; ses lèvres frémissaient ; des larmes, qu’elle avait réprimées par un effort violent, tremblaient à ses cils ; ses mains étaient jointes ; son attitude était celle de l’humilité, non de l’orgueil.

Maltravers restait comme pétrifié. À la fin, il s’avança, mit un genou en terre, baisa la main de Valérie avec un air de profond respect, et se dirigea vers la porte en silence ; il n’osait se risquer à parler.

Valérie le regarda avec effroi.

« Oh ! non, non ! s’écria-t-elle ; ne me quittez pas encore ! C’est notre dernière entrevue, notre dernière ! Au moins, dites-moi que vous me comprenez ; que si vous ne me croyez pas une pauvre insensée, vous ne me croyez pas non plus une coquette sans cœur. Dites-moi que vous savez que je ne suis pas cruelle comme j’ai pu le paraître ; que je ne me suis pas sciemment fait un jeu de votre bonheur ; que, même à présent, je ne suis pas égoïste ! Votre amour !… je ne vous le demande plus ! mais votre estime, votre bonne opinion !… Ah ! parlez, parlez, je vous en conjure !

— Valérie, dit Maltravers, si j’ai gardé le silence, c’est parce que mon cœur était trop plein pour trouver des paroles. Vous avez relevé toutes les femmes dans mon estime. Je vous aimais… maintenant je vous adore. Votre noble franchise, si différente de la faible irrésolution et des misérables artifices de votre sexe, a touché une corde de mon cœur muette depuis bien des années. En vous quittant, j’emporte une meilleure opinion de la nature humaine. Ah ! continua-t-il, Valérie, hâtez-vous d’oublier de moi tout ce qui a pu vous coûter une dou-