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ERNEST MALTRAVERS.




LIVRE PREMIER.


CHAPITRE PREMIER.


Mes intentions à l’égard de la jeune fille étaient très-honnêtes, je le jure… pourtant qui aurait soupçonné le piège où je fus pris,
(Shakspeare. Tout est bien qui finit bien, acte IV, scène iii.)


À quatre milles environ de l’une de nos villes manufacturières du nord s’étendait, en l’année 18.., une lande vaste et désolée. Il est impossible d’imaginer un endroit plus triste : quelques chétives touffes d’herbe y poussaient çà et là, sur un sol noir et pierreux. On n’apercevait pas un arbre sur toute cette aride étendue. La nature elle-même semblait avoir déserté cette solitude, comme si elle en eût été chassée par le bruit mugissant des forges du voisinage ; et même l’art, qui tire parti de toutes choses, avait dédaigné de mettre à contribution ces stériles régions. Il y avait quelque chose de fantastique et de primitif dans l’aspect de ce lieu, surtout lorsque, dans les longues nuits d’hiver, on y voyait flotter les reflets rouges et irréguliers de ces feux lointains qui donnent aux abords de certaines manufactures une si étrange apparence. On avait peine à s’imaginer, tant ce désert semblait abandonné des hommes, que des feux humains seuls en illuminassent la morne et stérile solitude. Sur une étendue de plusieurs milles on n’apercevait nul vestige d’habitation ; mais en se rapprochant du côté de la ville, on découvrait, à peu de dis tance de la route qui traversait la lande, une misérable petite cabane isolée.