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avons pitié de l’homme, nous condamnons son action. Nous… Prenez garde, chère amie, ce phalène va se brûler. Nous… ouish ! ouish ! »

Mon père essayait de chasser le papillon. Mon oncle se retourna, et, prenant le mouchoir avec lequel il avait cherché à cacher l’émotion que trahissait son visage, il réussit à éloigner le phalène de la flamme. Je voulus l’attraper dans le chapeau de paille de mon père ; mais ce diable de papillon se moquait de nous, tantôt s’élevant jusqu’au plafond, tantôt se précipitant sur les lumières fatales. Comme par une impulsion simultanée, mon père s’approcha d’une bougie, mon oncle de l’autre ; et au moment où le phalène voletait en rond, ne sachant laquelle choisir pour son bûcher funèbre, elles furent éteintes toutes les deux. Les braises étaient presque entièrement consumées dans la grille, et dans l’obscurité soudaine la douce voix de mon père se fit entendre comme celle d’un être invisible :

« Nous nous mettons dans les ténèbres, mon frère, pour sauver des flammes un phalène ! Ferons-nous moins pour nos semblables ? Éteignons, oh ! éteignons humainement la lumière de notre raison, lorsque les ténèbres sont plus favorables à notre miséricorde ! »

Mon oncle s’était retiré avant que les bougies fussent rallumées. Son frère le suivit. Ma mère et moi nous nous rapprochâmes pour causer à voix basse.