Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on le trouva mort à côté du berceau sur lequel il avait prononcé sa première prière pour son innocent enfant.

« Et maintenant je demande au père et au fils : Condamnez-vous cet homme ? »


CHAPITRE VIII.

Mon père parcourut trois fois le salon de haut en bas ; puis, s’étant arrêté devant la cheminée, il regarda son frère et parla en ces termes :

« Je condamne cet acte, Roland. Cet homme n’était qu’un orgueilleux égoïste. Je comprends que Brutus ait tué ses fils. Par ce sacrifice il sauva sa patrie. Mais que sauva cette pauvre dupe d’un sentiment exagéré ? rien que son propre nom. Il ne pouvait effacer le crime de l’âme de son fils, ni le déshonneur de sa mémoire ; il ne pouvait que satisfaire son vain orgueil, et, sans qu’il s’en doutât, son action lui fut soufflée par le démon, qui répète toujours au cœur de l’homme : « Redoute les opinions des hommes plus que la loi de Dieu ! » Ô mon cher frère, ce dont les esprits comme le vôtre doivent surtout se garder, ce n’est pas le mal dans ce qu’il a de bas, mais le mal qui revêt une noblesse trompeuse en se parant de la royale magnificence du bien. »

Mon oncle se dirigea vers la fenêtre, l’ouvrit, regarda dehors un moment comme pour aspirer un air plus frais, puis la referma doucement et vint se rasseoir sur sa chaise. Mais, pendant le peu de temps que la fenêtre était restée ouverte, un phalène était entré.

« De pareils récits, reprit mon père d’un ton de compassion, déclamés par quelque grand tragédien ou dits dans ton style simple, mon frère, de pareils récits ne sont pas inutiles. Ils pénètrent le cœur pour le rendre plus sage ; et toute sagesse est pleine de douceur, mon cher Roland. Ils nous adressent à nous-mêmes la question que tu nous as faite : « Condamnez-vous cet homme ? » Et la raison répond comme j’ai répondu : « Nous