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« Le père revint sur ses pas, posa la main sur la tête de son fils et pria. Il était crédule… comme tous les pères ! Il était convaincu que son ami s’était trompé. Il se retira pour se coucher et s’endormit. Il se réveilla subitement au milieu de la nuit, et, je cite ses paroles : « J’entendis comme une voix qui me réveilla… une voix qui me disait : Lève-toi et cherche ! Je me levai aussitôt, j’allumai une bougie et me dirigeai vers la chambre de mon fils. La porte était fermée. Je frappai une fois, deux fois, trois fois… pas de réponse. Je n’osais appeler tout haut, de peur d’éveiller les domestiques. Je descendis l’escalier… j’ouvris la porte de derrière… j’entrai dans l’écurie. Mon cheval y était, mais pas celui de mon fils. Mon cheval hennit. Il était vieux comme moi, mon brave coursier de Mont-Saint-Jean ! Je rentrai sans faire de bruit, je me cachai dans l’ombre du mur à côté de la porte de l’appartement de mon fils, et j’éteignis ma lumière. Il me semblait que j’étais un voleur moi-même. »

— Frère, interrompit ma mère à demi-voix, racontez vous-même, ne nous citez plus les paroles de ce père infortuné. Je ne sais pourquoi, cela me paraîtra moins horrible. »

Le capitaine fit signe de la tête qu’il se rendait à ce désir.

« Avant le jour, mon ami entendit ouvrir doucement la porte de derrière ; un pas retentit dans l’escalier, une clef grinça dans la serrure de la porte près de laquelle il se trouvait. Le père se glissa dans la chambre à la faveur dès ténèbres, derrière son fils qu’il ne voyait pas.

« Il entendit le bruit du briquet, la bougie fut allumée, la lumière se répandit par la chambre ; mais il avait eu le temps de se cacher derrière le rideau de la fenêtre. L’homme qui était devant lui demeura un moment immobile, paraissant écouter attentivement, car il tourna d’abord à droite puis à gauche son visage couvert de ce masque hideux qu’on porte en temps de carnaval. Ce masque noir fut enfin enlevé. Était-il possible que ce fût là le visage de son fils ? du fils d’un brave !… il était pâle, pâle des terreurs d’un misérable ; son front était couvert d’une sueur infâme ; son œil était hagard et injecté de sang. Il ressemblait à un lâche en face de la mort.

« Le jeune homme s’avança, ou plutôt se traîna vers le secrétaire, ouvrit un tiroir secret et y déposa le contenu de ses