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mestique l’eut réveillé et lui eut dit que son vieil ami blessé et sanglant cherchait un asile sous son toit. Toutefois la blessure était légère. Le voyageur avait été attaqué et volé sur la route. Le lendemain matin on envoya chercher l’autorité du lieu. L’homme dépouillé détailla ce qui lui avait été pris : quelques billets de cinq cents francs dans un portefeuille sur lequel étaient brodés son nom et une couronne : il était vicomte. Le blessé resta à dîner. Tard dans la matinée, le fils de son ami parut. À sa vue le blessé tressaillit ; mon ami le vit pâlir. Un moment après, prétextant une indisposition subite, le blessé se retira dans sa chambre et fit prier son ancien camarade de se rendre auprès de lui.

« Mon ami, lui dit-il, pouvez-vous me rendre un service ? Allez chez le magistrat et retirez ma déposition.

— Impossible. Quel caprice avez-vous là ? »

« L’hôte frémit.

« Je ne veux pas, dit-il, à mon âge être dur pour les autres. Qui sait à quelles tentations le voleur a succombé ? qui sait quels sont ses parents ?… d’honnêtes gens que son crime déshonorerait à jamais ! Bon Dieu ! s’il est découvert, on l’enverra au bagne… au bagne !

— Eh qu’importe ! le voleur ne savait-il pas ce qu’il bravait ?

— Mais son père le savait-il ? » s’écria l’hôte.

« Un trait de lumière frappa mon infortuné compagnon d’armes. Il saisit la main de son ami : « Vous avez pâli à la vue de mon fils ; où l’aviez-vous déjà rencontré ? parlez.

— Sur la route de Paris, la nuit dernière. Son masque s’était dérangé… Retirez ma déposition.

— Vous vous trompez, dit froidement mon ami. J’ai vu mon fils couché, et je lui ai donné ma bénédiction avant de me mettre au lit moi-même.

— Je vous crois, reprit son hôte ; et jamais mon téméraire soupçon ne dépassera mes lèvres… mais retirez ma déposition. »

« Le volé retourna à Paris avant la nuit. Le père s’entretint de ses études avec son fils ; il le suivit dans sa chambre, attendit qu’il fût couché, et, au moment où il se disposait à se retirer, le jeune homme lui dit : « Père, vous avez oublié de me donner votre bénédiction. »