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majestueux, imposant, et qui paraissait digne de trouver place dans le Livre de Chevalerie de mon illustre ancêtre.

Tout le monde se leva lorsque j’entrai ; mais mon pauvre père, qui était toujours lent en ses mouvements, fut le dernier à me faire accueil. L’oncle Jack m’avait laissé sur les doigts la profonde empreinte de sa grande bague à cachet ; M. Squills m’avait tapé sur l’épaule en me disant que j’avais merveilleusement grandi ; mon parent nouvellement trouvé m’avait dit avec une grande dignité : « Monsieur mon neveu, donnez-moi votre main, je suis le capitaine de Caxton ; » et le canard familier lui-même avait retiré son bec de dessous son aile pour le frotter doucement contre mes jambes, ce qui était sa façon habituelle de saluer, avant que mon père, mettant sa blanche main sur mon front, et me contemplant avec une inexprimable douceur, m’eût dit : « De plus en plus ressemblant à votre mère ! Dieu vous bénisse ! »

Une chaise avait été laissée vide pour moi entre mon père et son frère, Je me hâtai de m’y asseoir, car je tremblais, j’étais rouge, j’étouffais presque, tant m’avait affecté la tendresse extraordinaire de mon père. En ce moment même j’eus conscience de ma nouvelle position. Je n’étais plus un écolier venant passer de courtes vacances à la maison ; j’étais de retour sous le toit paternel pour devenir moi-même un de ses supports. J’étais enfin un homme, ayant le privilège d’aider ou de consoler ces êtres si chers, qui jusqu’alors m’avaient élevé et soigné sans retour de ma part. C’est un moment très-grave dans notre vie que celui où nous rentrons à la maison pour de bon. La maison nous semble différente de ce qu’elle était. Auparavant nous n’étions, après tout, qu’une sorte de passager accueilli, choyé, fêté, à cause du peu de durée de notre heureuse liberté. Mais lorsqu’on revient à la maison pour de bon, qu’on est sorti de l’école et de l’enfance, on n’est plus un hôte de passage ni un enfant. On partage la vie de tous les jours, avec ses soucis et ses devoirs, on entre dans les confidences de la maison. N’est-ce pas, ami lecteur ? Aussi j’aurais pu cacher mon visage dans mes mains et pleurer !

Malgré sa simplicité et ses distractions, mon père avait de temps en temps des moments où il pénétrait au fond des cœurs ; et je crois vraiment qu’il lisait tout ce qui se passait dans le