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nous devons plutôt nous soumettre comme à une terrible nécessité… Vous avez raison, Squills, la guerre est un mal ; et malheur à ceux qui, sous un léger prétexte, ouvrent les portes de Janus.

......Ce séjour redoutable
Où couve de Janus la fureur implacable.

M. Squills, après une longue pause employée à l’application des moyens propres à ranimer les corps des noyés, après avoir pris une position inclinée devant le feu et s’être doucement frictionné les membres, après s’être servi des stimulants préparés par mes mains compatissantes, M. Squills se relève enfin et dit d’une voix faible :

« Donc, pour ne pas provoquer d’ultérieure discussion, vous iriez à la guerre s’il s’agissait de défendre votre pays… Arrêtez, monsieur, arrêtez pour l’amour de Dieu ! Je suis d’accord avec vous, tout à fait d’accord !… Heureusement il n’est guère probable qu’un autre Bonaparte réunisse une flotte à Boulogne pour nous envahir.

M. Caxton. — Je n’en suis pas sûr, monsieur Squills. (Squills retombe sur sa chaise : on lit dans ses yeux une horreur suppliante.) Je ne lis pas très-souvent les journaux, mais le passé m’apprend à juger le présent. »

Là-dessus mon père recommanda sérieusement à M. Squills de lire avec attention certains passages de Thucydide, ayant rapport à ce qui se passait immédiatement avant l’explosion de la guerre du Péloponnèse. Squills se hâta de répondre par signe qu’il suivrait humblement ce conseil. Mon père fit encore un parallèle ingénieux entre les symptômes qui précédèrent cette explosion et les appréhensions d’une guerre prochaine qu’il déduisait des récentes invocations de la paix : Io Pæan ! Après plusieurs sages remarques tendant à prouver que les semences de guerre mûrissaient déjà au milieu du choc des opinions et de la désorganisation des États, il ajouta : « De sorte que, tout bien considéré, je crois que nous ferions mieux de conserver quelque chose de l’esprit belliqueux, afin d’avoir le courage, s’il le faut, de combattre pour nos pilons et nos mortiers, nos trois pour cent, nos meubles et nos immeubles, et nos libertés. Ce temps viendra tôt ou tard, oui, quand même toute la terre filerait du coton et imprimerait du calicot. Peut-être ne le ver-