Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/572

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

précédé les plus sanglantes guerres qui aient bouleversé la terre depuis plus de mille ans.

— À en juger d’après les journaux, ajoutai-je, les mêmes illusions se renouvellent. Des théoriciens bénévoles parcourent le monde en prophétisant la paix comme une certitude positive, déduite de ce livre sibyllin qu’on appelle le grand-livre ; et nous n’aurons plus de canons à acheter, pourvu que nous puissions échanger nos cotons contre du blé. »

M. Squills, qui, s’étant presque entièrement retiré des affaires, s’est mis, faute d’autre occupation, à méditer sur la marche et les progrès de l’esprit humain au XIXe siècle. « J’espère de tout mon cœur que ces rhétoriciens bénévoles sont de vrais prophètes. J’ai trouvé, dans le cours de ma profession, que les hommes sortent assez vite du monde, sans qu’il soit nécessaire de les tailler en pièces, ou de les faire sauter en l’air. La guerre est un grand mal.

Blanche, passant à côté de Squills et jetant un coup d’œil sur Roland. — Chut ! (Roland garde le silence.)

M. Caxton. La guerre est un grand mal ; mais le mal physique et moral est admis par la Providence dans le mécanisme de la création. L’existence du mal a embarrassé des têtes plus sages que les nôtres, Squills. Mais assurément il y a quelqu’un là-haut qui a ses raisons pour permettre le mal. La bosse de la combativité semble aussi commune sur le crâne humain que celle de la philo-progéniture ; et si elle fait partie de notre organisme, soyez sûr que ce n’est pas sans raison. Il n’est ni juste, ni sage, ni digne de la soumission que nous devons au dispensateur de toutes choses, de supposer que la guerre n’est que le produit des crimes et des folies des hommes ; qu’elle ne conduit qu’au mal ; qu’elle ne naît pas souvent nécessairement de l’organisation de la société, et qu’elle n’active pas la marche de notre race vers le but où la mène celui qui sait tout. Jamais une grande guerre n’a désolé la terre sans laisser elle-même des semences qui ont germé et produit d’incalculables biens.

M. Squills, avec un grognement. — Oh ! oh ! oh ! »

Malheureux Squills ! comment aurait-il pu prévoir la douche d’érudition qui allait lui tomber sur la tête au moment où il poussait le ressort avec cet impertinent Oh ! oh ! oh ! D’abord vint la guerre de Perse, avec des myriades de Mèdes vomissant sur lui tous les fleuves qu’ils avaient bus dans leur marche à travers